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Prévenir le déclin cognitif par l’activité physique

Publié le 05/06/19

Pour limiter l’altération des performances cognitives liées à l’âge, l’activité physique régulière se pose comme la mesure affichant les preuves d’efficacité les plus solides. Une information intéressante, d’autant que la plus simple à mettre en œuvre, associée à des habitudes alimentaires saines, la stimulation cognitive et le maintien des interactions sociales.

Agir en amont et même en cas de trouble cognitif léger

Le déclin cognitif normal est un déclin du fonctionnement de la cognition* lié au processus de vieillissement. La pente de ce déclin est habituellement linéaire mais il existe une très grande variabilité entre les individus. Ce déclin peut parfois être plus rapide, sans pour autant que la personne ne s’en plaigne vraiment. « Cette situation clinique est identifiée comme un « Mild Cognitive Disorder » ou trouble cognitif léger, explique le Dr Vincent Gremeaux (Swiss Olympic Medical Center, Sport Medicine Unit, Hôpital Universitaire de Lausanne, Suisse). Elle est caractérisée par une impression subjective du déclin par le sujet lui-même ou un proche, une objectivation des troubles par des tests psychomoteurs répétés et par une préservation des activités de la vie quotidienne, avec une atteinte minime des fonctions telles que la mémoire, le langage, l’efficience intellectuelle, la coordination des mouvements (praxies), la reconnaissance d’un objet par l’intermédiaire de l’un ses sens (gnosies).

« Il apparaît fondamental de bien repérer les sujets souffrant d’un trouble cognitif léger, confirme le neurologue Olivier Rouaud, du Centre Leenaards de la mémoire, (Département neurosciences cliniques, CHU de Lausanne), car la prise en charge non pharmacologique permettant de ralentir ce processus est bien plus efficace à ce stade que lors d’un état démentiel installé. Parmi les mesures ayant démontré leur efficacité sur cette dégradation des performances cognitives liées à l’âge, ou même les troubles cognitifs légers, voire démence type Alzheimer, le niveau de preuve le plus élevé concerne la pratique d’un exercice physique régulier. » L’activité physique représente donc, avec la stimulation cognitive, une intervention non-pharmacologique prometteuse pour maintenir et améliorer les fonctions cognitives et la qualité de vie des sujets âgés.

L’exercice physique régulier, efficace sur le déclin des performances cognitives

Plusieurs études observationnelles ont montré que la pratique régulière d’une activité physique et sportive a un effet protecteur sur le déclin de la fonction cognitive chez les sujets sains, et diminue l’incidence des démences d’environ 50% (1,2). Comme pour les capacités physiques, il existe un effet dose-réponse (3). Ainsi, la diminution du risque relatif de déclin cognitif prématuré est de 35% chez les sujets modérément actifs et jusqu’à 38% chez les plus actifs. De plus, il n’est jamais trop tard pour bien faire ! Bien entendu, les personnes habituellement actives présentent un déclin moins marqué des performances cognitives avec l’avancée en âge. Néanmoins, les preuves sont désormais nombreuses qui montrent l’efficacité des programmes d’exercices physiques chez les personnes sédentaires, même âgées (4). « Cette démarche apparaît d’autant plus intéressante que les fonctions exécutives, qui sont les premières affectées au cours du déclin cognitif normal lié à l’âge, fait remarquer Olivier Rouaud, sont les processus les plus favorablement influencés par la réalisation d’exercices physiques réguliers (5) ». Ces effets sont retrouvés non seulement chez les sujets âgés sains, avec une corrélation avec l’amélioration concomitante des capacités physiques (6), mais aussi chez ceux présentant des troubles cognitifs légers.

En ce qui concerne les mécanismes par lesquels l'exercice régulier améliore les performances cognitives, ils restent débattus. Parmi les plus avancés, l’action bénéfique passerait par une réduction des facteurs de risque cardio-vasculaires et métaboliques, mais également par des modifications à la fois de la structure et neuro-chimiques dans la zone cérébrale de l’hippocampe et les aires voisines impliquées dans l'apprentissage et la mémoire. Il a, par exemple, été montré que six mois d’exercice aérobie augmentait le volume des régions cérébrales préfrontales et temporales chez les personnes âgées (7). Le rôle de certaines protéines est également de mieux en mieux cerné, comme le « Brain-Derived Neurotrophic Factor”, sécrété en plus grand nombre par les cellules endothéliales des vaisseaux cérébraux au cours de l’exercice physique.

Quel exercice physique en pratique ?

Il semble qu’une durée de pratique régulière d’exercice de trois mois permette déjà d’observer des améliorations (8). Par ailleurs, l’exercice à intensité élevée, sous forme d’intervalles entrecoupés de période de récupération, paraît aussi efficace, en particulier chez des populations à risque de déclin cognitif accéléré comme les patients présentant un syndrome métabolique (9).
En pratique, le profil des personnes doit être pris en compte car ce sont le plus souvent des personnes fragiles, avec une faiblesse musculaire, une diminution de la vitesse de marche, une fatigabilité et par conséquence sédentaires. « La prise en charge est individualisée et comporte une approche multiple en accord avec les grandes lignes des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour les adultes âgés de plus de 55 ans, c’est-à-dire trente minutes d’activité physique aérobie (exercice global « en endurance ») d’intensité modérée par jour, détaille Olivier Rouaud, cinq jours par semaine (soit 150 minutes par semaine), auxquelles s’ajoute la pratique d’exercices de renforcement musculaire léger deux fois par semaine et de souplesse, plus ou moins d’exercices d’équilibre, en particulier chez la personne âgée à risque de chute ».

* La cognition est l'ensemble des processus mentaux qui se rapportent à la fonction de connaissance et mettent en jeu la mémoire, le langage, le raisonnement, l'apprentissage, la prise de décision, la perception ou l'attention.

Références :
(1) Larson EB et al. Ann Intern Med 2006; 144: 73-81. ; (2) Rovio S; Lancet Neurol 2005;4:705-11. ; (3) Etgen T et al. Arch Intern Med 2010 ; 170 : 186-93 ; (4) Angevaren M et al. Cochrane Database Syst Rev 2008;(3):CD005381 ; (5) Colcombe S et al. Psychol Sci 2003;14(2):125-30 ; (6) Kramer AF et al. Arch Neurol 2010;67(1):71-9 ; (7) Colcombe SJ et al. J Gerontol A Biol Sci Med Sci 2006;61(11):1166-70 ; (8) Renaud M, et al. Front Aging Neurosci 2010;2:148 ; (9) Drigny J et al. J Rehabil Med. 2014 Nov 4;46(10):1050-4.

Hélène Joubert, journaliste. D’après les conférences scientifiques à l’occasion de la Journée B Delessert 2019 (Paris, février 2019)

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