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Des virus mangeurs de bactéries au secours des antibiotiques

Publié le 12/01/18

On le sait, partout dans le monde, la résistance aux antibiotiques augmente et de plus en plus de patients se retrouvent en impasse thérapeutique. La phagothérapie, qui utilise des virus naturels pour tuer les bactéries, pourrait être une alternative.

La résistance aux antibiotiques augmente

L'antibiorésistance est un enjeu majeur de santé publique. Selon l'étude BURDEN, réalisée auprès de 1950 hôpitaux et publiée l'année dernière par l'Institut National de Veille Sanitaire, 158 000 infections à bactéries multirésistantes sont survenues en France en 2012 dont 16 000 très graves (méningites, septicémies, etc.), 12 500 patients en sont décédés. Environ 65% des cas étaient liés  à des staphylocoques dorés, des entérocoques (proches des streptocoques), des colibacilles (escherichia coli) et des entérobactéries (klebsiella pneumoniae). Les antibiotiques ont révolutionné la santé. Mais à force d'en consommer et de mal les utiliser, la résistance s'est développée. Pour Jean Carlet, consultant pour l'Organisation mondiale de la santé, « On a mis moins d'un siècle à torpiller les antibiotiques dont on disposait ». 

On ne produit pas de nouveaux antibiotiques

Et pas seulement à l'hôpital avec les maladies nosocomiales. En ville aussi : « Les antibiotiques n'agissent plus sur 50% des souches à gonocoques à l'origine d'infections sexuellement transmissibles », assure le Pr Jérôme Robert du service de bactériologie de l'hôpital de la Pitié Salpetrière à Paris. C'est pareil avec les escherichia coli, pouvant être responsables de diarrhées aigües comme de banales infections urinaires : « Ça va exploser d'ici 10 ans », alerte le spécialiste. En Inde, Chine, Grèce, Italie... le phénomène ne cesse d'augmenter. Le problème est que les firmes pharmaceutiques ne s'intéressent plus aux antibiotiques. « Entre 2008 et 2012, deux nouveaux ont été commercialisés et encore c'était des remake, précise Jean Carlet. A part les anciennes molécules, on n'a pu grande chose pour traiter les malades ». 

La phagothérapie, l'alternative aux antibiotiques

Pour venir à leur secours, la phagothérapie constitue « une thérapie complémentaire », affirme le Dr Alain Dublanchet, biologiste au CHU de Villeneuve Saint-Georges. Cette discipline, connue depuis plus de cent ans, consiste à utiliser des virus naturels, les bactériophages ou phages, dont la particularité est de reconnaître précisément chaque bactérie et de la détruire : ils se fixent sur elle puis pénètrent à l'intérieur où ils se multiplient, des trous se forment là où ils l'ont attaquée et la bactérie finit par mourir. « C'est très efficace et sans effets secondaires », explique le médecin. La phagothérapie pourrait soigner les maladies résistantes aux antibiotiques : infections ostéoarticulaires et pulmonaires, infections urinaires récidivantes, brûlures sur-infectées,  ulcères chroniques, pied du diabétique, etc.. Une publication de la revue médicale The Lancet indique que l'action des phages serait même renforcée quand elle est associée à une faible dose de pénicilline. Autre avantage : les phages ne s'attaquent qu'aux bactéries nuisibles et respectent celles qui sont utiles contrairement aux antibiotiques qui sont à large spectre. 

Deux essais cliniques en cours en France

Les phages se trouvent partout dans la nature où il y a des bactéries, notamment dans les eaux d'égout (il y en a aussi dans notre tube digestif) et on les utilise depuis 1919. Mais la découverte des antibiotiques a porté un coup d'arrêt à leur usage dans les pays occidentaux sauf en Géorgie où ces bio-médicaments font partie de la pharmacopée courante au même titre que l'aspirine. Deux laboratoires en produisent aussi en Russie et un en Pologne. Aux États-Unis, trois produits-phages viennent d'être mis sur le marché. En France, un essai clinique baptisé  Phagoburn  a été lancé en septembre 2015 à l'hôpital d'instruction des armées Percy pour tester l'effet des phages sur les grands brûlés. Un autre essai, Phosa, a débuté sur les infections ostéoarticulaires. L'Union Européenne ayant classé les phages comme médicaments, ils doivent être conformes à une réglementation stricte émanant de l'Agence Européenne du Médicament (EMA) et des diverses agences nationales. Un tel encadrement est actuellement inexistant, c'est pourquoi, une équipe bruxelloise travaille à la définition de critères devant présider à leur préparation pharmaceutique. 

Une première autorisation temporaire d'utilisation

De son côté, le Dr Olivier Patey, infectiologue au CHU de Villeneuve Saint-Georges, appelle à la mise en place d'un programme de recherche, d'un centre de référence et d'une banque européenne des phages comme il en existe une en Géorgie et en Pologne mais « c'est lent », avoue-t-il. Les choses bougent, néanmoins. En novembre dernier, l'Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) a donné, pour la première fois, une Autorisation Temporaire d'Utilisation (ATU) des phages pour un patient en impasse thérapeutique. Un comité scientifique dédié a également été créé au sein de l'agence et doit se réunir prochainement pour donner son feu vert éventuel à d'autres ATU. En attendant, quelques patients sont traités « à titre compassionnel » un peu partout en Europe. D'autres n'hésitent pas à faire du tourisme médical comme Christophe, atteint de 5 infections multirésistantes consécutives à une opération chirurgicale : « La seule solution était de m'amputer de la jambe, j'ai refusé et je suis parti en Géorgie où on m'a soigné avec des phages pendant 15 jours. Une fois rentré en France, j'ai été suivi à l'hôpital de la Croix Saint-Simon à Paris. Je boîte mais j'ai gardé ma jambe ».
Source : e-santé

Brigitte Bègue journaliste santé

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