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Infarctus du myocarde : jusqu'où iront les femmes ?

Publié le 06/02/18

De + 3% par an entre 2002 et 2008 à + 4,8 % entre 2009 et 2013, l'infarctus du myocarde fait un bond remarqué chez la femme jeune entre 45et 54 ans. On y est, les conséquences du tabagisme féminin amorcé dans les années 80 se voient désormais dans le coeur des femmes. Sans oublier les facteurs tels que la sédentarité, l'obésité, le diabète.

 

 

Infarctus du myocarde, +5% par an chez les femmes jeunes

Les toutes dernières données françaises de l'Institut de veille sanitaire (1) étaient attendues. Allaient-elles contredire l'inquiétante tendance constatée dans les années 2000 ? Rien ne pouvait malheureusement le faire croire et, en effet, l'infarctus du myocarde sévit de plus belle chez les femmes jeunes. Partout ailleurs en revanche, chez les hommes jeunes ainsi qu'après 65 ans dans les deux sexes, son incidence recule, quoique faiblement chez les hommes (-1,7%) et de façon plus soutenue chez les femmes (-11,1%). 

Pr Claire Mounier-Vehier, chef de service de cardiologie au CHRU de Lille, présidente de la Fédération française de cardiologie et co-auteur de la publication (1) : « Dans le détail, entre 2009 et 2013, les hospitalisations pour infarctus du myocarde ont augmenté de 4,8% dans la tranche d'âge des 45-54 ans des femmes. Une précision qui peut expliquer une partie de l'augmentation de ces chiffres est le dosage de la troponine ultrasensible, adoptée en 2007. Ce test a permis depuis cette date de repérer des infarctus (dits non STEMI) qui auparavant seraient passés inaperçus ou de requalifier des angors instables (rétrécissements d'une artère du coeur) en authentiques infarctus. A noter cependant qu'il y a trois fois moins de femmes hospitalisées que d'hommes, qui constituent encore le gros du bataillon des crises cardiaques. Si les femmes font de plus en plus de crises cardiaques, il n'en reste pas moins qu'en proportion, les hommes sont toujours les plus nombreux à faire des infarctus du myocarde (cinq fois plus d'infarctus chez les hommes avant 65 ans, deux fois plus après 65 ans) ».

La crise cardiaque au féminin, moins mortelle

La mortalité par infarctus du myocarde a fortement reculé dans toutes les classes d'âge entre 2002 et 2012 (de plus de 30% !) à mettre sur le compte d'une meilleure prévention cardio-vasculaire, une plus grande réactivité à appeler les secours en cas de signes d'appel d'une crise cardiaque, et des techniques de revascularisation myocardique (du coeur) plus performantes. Mais les femmes s'en sortent mieux : avant 65 ans, elles ont deux fois plus de chance de survivre à un infarctus du myocarde que les hommes.

Dans 70% des infarctus, la cigarette est coupable

Tabagisme, obésité-diabète, sédentarité, est la triade qui bat en brèche le rôle naturellement protecteur des oestrogènes avant la ménopause. L'effet "génération" observé pour le tabagisme féminin confirme un décalage dans le temps, en lien avec une période d'émancipation féminine des années 80 dont l'entrée dans le tabagisme. Ces femmes fumeuses abordent maintenant la cinquantaine, d'où ce surcroît de crises cardiaques chez elles, après plus de 20 ans de tabagisme féminin.

Claire Mounier-Vehier : « Chez une femme hospitalisée pour un infarctus du myocarde, dans 7 cas sur 10, l'accident est dû au tabac ! Parmi celles ayant fait un infarctus du myocarde (dit avec élévation du segment ST : STEMI) avant 60 ans, nous avons observé des prévalences du tabac et de l'obésité de 73,1% et 27,1% (registre FAST-MI) (2). Ces chiffres sont à corréler avec ceux d'une étude de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies publiée conjointement avec notre étude (2) qui confirme que cette tranche d'âge des moins de 54 ans concentre la plus forte proportion des femmes fumeuses. Il nous manque cependant le statut hormonal des femmes car la contraception par éthinylestradiol forme, avec le tabac, un cocktail explosif sur le risque d'infarctus du myocarde (quelle que soit sa voie d'administration : comprimé ou "pilule", patch transdermique ou anneau vaginal). Logiquement, une grande majorité de ces femmes jeunes qui font une crise cardiaque sont sous ce type de contraception oestroprogestative, et cela peut expliquer en partie cette hausse de +5% de crises cardiaques. D'où mon conseil : passé l'âge de 40 ans, il faut absolument opter pour une contraception progestative : comprimé micro-progestatif ou macro progestatif, implant sous cutané ou encore le dispositif intra utérin (stérilet) à la progestérone ».

Le stress, plus nocif chez la femme

Si le tabagisme est l'ennemi n°1 dans la crise cardiaque chez la femme jeune, c'est souvent une association de malfaiteurs : elles fument, sont stressées - plus que les générations précédentes- et vivent plus souvent dans la précarité sociale (hors du système de soin, stress socio-professionnel et isolement social considérables souvent associés à la dépression etc.).

Le stress est le troisième facteur de risque d'infarctus du myocarde chez la femme, avec un impact encore plus puissant que chez l'homme (4). Cet effet plus dévastateur parmi le sexe féminin se retrouve aussi avec le diabète, l'hypertension artérielle et la sédentarité, qui seraient davantage associés au risque d'infarctus du myocarde chez les femmes, notamment chez les moins de 60 ans.

Claire Mounier-Vehier : « Le stress aigu (licenciement, séparation, boucler les fins de mois...) peut déclencher un infarctus du myocarde par le mécanisme suivant : le système nerveux parasympathique (qui contrôle en partie les activités involontaires des organes) est brutalement activé. La pression artérielle et le rythme cardiaque s'élèvent très vite, favorisant la fissuration d'une plaque d'athérome dans une artère du coeur (coronaire) ou une dissection coronaire (lésion-clivage de la paroi de l'artère du coeur, voire sa rupture). Un thrombus (caillot) se crée alors, obstruant l'artère et ne laissant pas ou peu passer le sang et oxygéner le coeur qui se trouve alors en souffrance. Cela peut aussi provoquer à l'extrême un syndrome de Takotsubo ou syndrome du coeur brisé (qui mime un infarctus mais qui n'en n'est pas un) avec une paralysie presque complète et transitoire du coeur suite à une émotion violente avec des conséquences parfois fatales (troubles du rythme, embolies de caillots de sang dans le cerveau, troubles du rythme...).

Quant au stress chronique, il favorise les comportements délétères pour notre santé avec le tabagisme, les conduites alimentaires défavorables avec un repli sur soi, la sédentarité, le manque d'activité physique, et la sécrétion de cortisol (hormone à l'effet métabolique délétère et pourvoyeuse d'hypertension artérielle) ... d'où, chez ces femmes, l'apparition d'un syndrome métabolique plus fréquent associant des profils lipidiques et glucidiques défavorables et une obésité abdominale, facteurs de risque d'infarctus du myocarde et de maladies cardiovasculaires en général ».

Lutter contre l'inactivité physique mais aussi la sédentarité

Alors que l'inactivité physique signifie moins de 30 minutes d'activité physique quotidienne, la sédentarité (travail posté etc.) est une fréquence faible, voire nulle, de déplacements (rester assis plus de 7 heures par jour). Or cette dernière est plus néfaste chez la femme que chez l'homme du fait de l'apparition d'un syndrome métabolique, plus toxique chez la femme !

Pratiquer régulièrement 30 minutes d'activité physique par jour ou une activité intense deux fois par semaine réduit de 25 à 30% le risque d'accident vasculaire cérébral et coronaire ou sa récidive. Le fait d'être sédentaire est un facteur en soi de mortalité cardio et cérébro-vasculaire supplémentaire. C'est pourquoi, en plus d'une activité physique régulière, il faut utiliser tous les petits moyens pour lutter contre la sédentarité (se lever aussi souvent que possible, ne pas rester immobile/assis plus de deux heures consécutives, prendre l'escalier au lieu de l'ascenseur, descendre un arrêt de bus ou une station de métro avant la destination prévue, se lever pour téléphoner, se déplacer jusqu'au bureau voisin au lieu d'envoyer un mail, mettre sa poubelle loin de son bureau, aller aux toilettes à l'étage du dessus ou du dessous... ).
Source : e-santé

 

Hélène Joubert, journaliste scientifique

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