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Troubles fonctionnels intestinaux, une affaire de femmes

Publié le 12/09/17

Le ventre ballonné, les douleurs intestinales… sont des soucis surtout féminins car les femmes sont plus vulnérables au syndrome de l’intestin irritable. Pourquoi cette prédominance féminine ? Une hypersensibilité du côlon et la génétique sont quelques-unes des pistes explorées.

Syndrome de l’intestin irritable : trois femmes pour un homme

Les troubles fonctionnels intestinaux regroupent notamment la constipation et le syndrome de l’intestin irritable. Ce dernier, appelé parfois colopathie fonctionnelle, affecte le gros intestin (côlon) chez 5% de la population. Mais ce sont les femmes les plus touchées par ce syndrome et les troubles fonctionnels intestinaux en général, du moins dans les pays occidentaux. En France, le syndrome de l’intestin irritable concerne trois femmes pour un homme et les femmes rapporteraient un peu plus souvent une forme avec constipation et moins avec diarrhée que les hommes (1). Quoi qu’il en soit, au final, bien que les troubles fonctionnels intestinaux constituent un ensemble très hétéroclite, les femmes ressortent systématiquement plus exposées que les hommes.

Dr Pauline Jouët, gastro-entérologue, spécialiste des troubles fonctionnels intestinaux chez la femme (service d’hépato-gastro-entérologie Hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt et INSERM U987) : « En Europe et en Amérique du Nord, les femmes souffrent plus souvent de syndrome de l’intestin irritable, de constipation, de globus (boule dans la gorge en raison de reflux ou de stress), de dysphagie (difficulté à initier la déglutition et à propulser les aliments dans l'œsophage), de ballonnements, de douleurs abdominales fonctionnelles. Toutefois, en Afrique, Asie du Sud et Amérique du Sud, hommes et femmes en souffrent à part égale. Aucune explication sur la particularité occidentale n’est réellement satisfaisante ».

Par ailleurs, les femmes occidentales sont aussi plus exposées aux maladies associées aux troubles digestifs comme la migraine, le syndrome de la vessie douloureuse (anciennement cystite interstitielle), le syndrome anxiodépressif et la fibromyalgie. Cette dernière est jusqu’à dix fois plus fréquente chez la femme.

Et si c’était une hypersensibilité féminine ?

Si prédisposition féminine il y a, la question est de savoir pourquoi. Plusieurs éléments semblent entrer en jeu.
En premier lieu, les études confirment un temps de transit colique plus lent chez la femme. Ensuite, la sensibilité des viscères, à savoir la paroi du côlon, serait exacerbée chez la femme, d’où son plus fort ressenti des douleurs intestinales (2). Les femmes seraient aussi plus sujettes à conserver des symptômes suite à une gastro-entérite. On appelle cela le « syndrome de l’intestin irritable post-infectieux ».
La présence d’un syndrome anxiodépressif contribuerait aussi à la présence de troubles fonctionnels intestinaux ; or la dépression est deux fois plus fréquente chez la femme.

Dr Pauline Jouët : « D’autres hypothèses pour expliquer la prédominance féminine des troubles fonctionnels intestinaux ont été énoncées. L’impact du rôle que la société impose à la femme n’est pas à sous-estimer avec une pression pour être séduisante qui n’est pas très "raccord" avec ballonnements et autres symptômes digestifs. Les femmes ont par ailleurs une tendance à plus facilement consulter pour leurs symptômes que les hommes. Enfin, les femmes ayant un syndrome de l’intestin irritable pourraient avoir été exposées plus souvent à un événement traumatisant (comme un abus ou un harcèlement sexuel) dans le passé que les hommes. Or ce type d’événement accroît la prévalence des troubles fonctionnels intestinaux ».

Une histoire d’hormones ?

La femme pourrait aussi être plus vulnérable aux troubles fonctionnels intestinaux du fait de son statut hormonal, mais rien n’est encore bien démontré. La théorie est pourtant là :  la motricité de l’intestin, les sécrétions des cellules épithéliales intestinales (qui couvrent l’intérieur de l’intestin), la sensibilité intestinale, le métabolisme bactérien ou encore la fonction immunitaire sont sous la dépendance des hormones œstrogènes et la progestérone.
Des exemples sont en faveur de cette hypothèse. Les femmes ayant une endométriose et donc une hyperstimulation des ovaires sont plus à risque de troubles fonctionnels intestinaux. Le fait que les troubles fonctionnels intestinaux débutent majoritairement à la puberté avec un pic avant la quarantaine est en faveur d’un rôle des hormones sexuelles. Mais les études se contredisent encore.

Et si c’étaient les gènes ?

Alors que dans la constipation, les études génétiques sont quasi inexistantes, ça n’est pas le cas dans le syndrome de l’intestin irritable où des cas familiaux ont été repérés, ce qui plaide en faveur d’une composante génétique. Une étude suédoise de 2015 (3) sur 60 000 jumeaux a même chiffré un risque du syndrome de l’intestin irritable multiplié par 1,5 à 2 chez les parents du premier, second et troisième degré.

Dr Pauline Jouët : « Au moins une soixantaine de gènes ont été étudiés, comme le gène d’une molécule chimique qui assure la transmission des messages d'un neurone à l'autre (neuromédiateur) ayant un rôle au niveau du cerveau et du tractus digestif. Mais comme le syndrome de l’intestin irritable regroupe des tableaux cliniques très variés et qui sont multifactoriels, difficile de relier une anomalie génétique à un symptôme précis, et a fortiori de repérer des anomalies en fonction du genre. Pour mutualiser les recherches génétiques, le consortium européen GENIEUR vient d’être créé ».

Quoi qu’il en soit, à ce stade des recherches, la prise en charge ne diffère en rien. Il ne semble pas exister de différence de réponses aux traitements médicamenteux entre homme et femme. Mais il est vrai que très peu d’études comprennent des analyses en fonction du sexe. 

Pour plus d’informations : L’APSII est une association de personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable. https://www.apssii.org/accueil/index.php

(1) Aliment Pharmacol Ther. 2010 Sep;32(6):738-55 ; (2) Chang et al. 2006 ; (3) Gut 2014 ;  0, 1-7

D’après un entretien avec Dr Pauline Jouët, gastro-entérologue, service d’hépato-gastro-entérologie Hôpital Ambroise Paré (Boulogne-Billancourt) et INSERM U987.

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