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Démangeaisons : ça gratte, qu'est-ce que c'est ?

Un tiers des Français a eu des démangeaisons au cours des sept derniers jours. Ces résultats surprenants proviennent de l'unique centre de recherche français entièrement dédié au "prurit", le nom médical des démangeaisons. Le sujet vous paraît anecdotique ? Vous auriez pourtant tort de prendre les démangeaisons à la légère.

Publié le 06/02/18

10% des démangeaisons nécessitent un traitement

Par prurit ou démangeaison, on entend une sensation déplaisante qui donne envie de se gratter. L'une des rares enquêtes conduites en France* illustre la grande fréquence du prurit : près de 30% des personnes disent avoir souffert de prurit dans les sept derniers jours et localisé n'importe où sur le corps. Près de 9% présentaient des démangeaisons jugées sévères. Or l'impact sur la qualité de vie des démangeaisons est loin d'être négligeable. Par exemple, les personnes souffrant de dermatite atopique (eczéma) peuvent passer jusqu'à deux heures par jour à se gratter.

Pr Laurent Misery, directeur du laboratoire de neurobiologie de la peau (Université de Brest) et du service de dermatologie CHU de Brest et co-auteur de l'étude : « Le prurit peut être aussi intense et invivable que la douleur. Pourtant aussi fréquent, il reste méconnu et délaissé, car considéré à tort comme moins grave que la douleur par les soignants comme par les patients. Ces derniers vivent aussi dans un contexte de culpabilité car ils entendent toujours « ne te gratte pas ». C'est aussi un véritable cercle vicieux : plus on a de démangeaisons, plus on en aura. Il faut consulter dès que le prurit devient gênant au quotidien, parfois même sans attendre très longtemps et dès lors qu'il y a un retentissement général : une nervosité, des troubles du sommeil et même une dépression causée par un prurit intense ou qui persiste sur la durée. Il faut prendre au sérieux toute démangeaison qui a un fort retentissement physique et psychologique. Il y a forcément une cause à l'origine du prurit, qu'il faut élucider et traiter ».

Dermatose, diabète ou anxiété... peuvent gratter

Il n'y a pas que les maladies de peau qui grattent et les causes de prurit sont multiples :

  • Dans 90% des cas, le prurit est dû à une maladie de peau. La grande majorité des lésions dermatologiques s'accompagnent d'un prurit, dès lors qu'il y a une inflammation. Ce peut-être par exemple une dermatite atopique (eczéma), un psoriasis, un urticaire, une varicelle, un lichen plan (maladie inflammatoire touchant la peau, la muqueuse de la bouche), une gale etc.
  • Il faut y penser, mais de nombreuses maladies générales comme le diabète, l'insuffisance rénale mais aussi d'autres maladies endocriniennes (insuffisance ou excès de synthèse d'hormones thyroïdiennes) et des maladies du sang (cancer du système lymphatique) entraînent des démangeaisons qui impactent la qualité de vie sur le long terme. Dans le diabète, les démangeaisons sont assez fréquentes et peuvent même parfois attirer l'attention sur un diabète jusque-là ignoré. Cette forme de prurit est dû en partie à une lésion du système nerveux (composante neuropathique) ce qui génère des sensations de brûlure et de picotements.
  • Certaines autres maladies où les nerfs sont atteints induisent fréquemment un prurit. C'est le cas des "neuropathies des petites fibres" qui sont des maladies récemment découvertes et dont la fréquence est très sous-estimée. Elles produisent plutôt des démangeaisons aux extrémités des membres.
  • Médicaments, produits toxiques peuvent causer des prurits. En premier lieu certains médicaments antihypertenseurs, comme les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, provoquent de temps en temps des démangeaisons ainsi que les pénicillines (avec en plus la création de lésions d'urticaire) et la grande majorité des produits irritants (produits ménagers, cosmétiques).

Idée reçue : certains médicaments anti-cholestérol comme les satines ne provoquent pourtant pas spécialement de prurit.

  • Avec les piqures d'insectes, le prurit est systématique. Initialement, le prurit est fait pour signaler la piqure et ce sont des réactions de type allergique.
  • Anxiété, dépression... contrairement à une idée reçue, les démangeaisons d'origine psychogène sont rarissimes. Devant des démangeaisons régulières, sur la durée, les personnes entendent souvent « C'est dans la tête ». En réalité, ces prurits ne constituent pas plus de 1% des cas de prurit. Il ne faut pas aller trop vite en besogne : ça n'est pas parce qu'on ne trouve pas la cause des démangeaisons qu'il faut les mettre sur le compte de l'anxiété ou de la dépression.
  • La sécheresse cutanée (xérose) provoquée par le froid et le manque d'hydratation sur des peaux dites dèches favorisent les démangeaisons.

A noter : Un prurit isolé n'est jamais dû à une allergie ! C'est une idée reçue. S'il y a une allergie, elle se manifeste sous forme d'urticaire, d'eczéma ou de lésions cutanées dues à des réactions à des médicaments appliqués sur la peau ou ingérés (toxidermie).

Des médicaments anti-démangeaisons dans 5 à 10 ans

Les traitements actuels se focalisent uniquement sur les symptômes. La mise au point de traitements spécifiques du prurit est encore du domaine de la recherche mais celle-ci progresse. Par exemple, la voie principale impliquée dans le déclenchement du prurit (voie PAR-2ergique) a été identifiée mais il en existe d'autres, à l'étude. De plus, un type de récepteur sur la peau, spécifique du prurit vient à peine d'être découvert : le pruricepteur. On s'est aussi rendu compte que la voie histaminique (l'histamine est une substance produite par l'organisme qui cause une réaction allergique en cas d'exposition à un allergène) est finalement minoritaire dans les démangeaisons. Prépondérante dans l'urticaire par exemple, elle n'intervient pas dans la plupart des maladies y compris dans les lésions dermatologiques. C'est pourquoi, dans la majorité des cas de prurit, les antihistaminiques ne soulagent pas.

Pr Laurent Misery : « Vu la dynamique actuelle de la recherche, plusieurs médicaments originaux devraient être bientôt disponibles dans les 5 à 10 ans dans le prurit. Par exemple ceux qui agissent sur les récepteurs Kapa des opiacées mais aussi des molécules déjà étudiées dans d'autres indications comme par exemple les "anti-substance P" (dans le système nerveux central, la substance P est associée à la régulation des troubles de l'humeur, de l'anxiété, du rythme respiratoire, des nausées et la douleur). Mais soulager le prurit, c'est avant tout rechercher la cause ».

Que faire en pratique ?

Quels médicaments aujourd'hui en cas de prurit :

  • Les antihistaminiques sont efficaces uniquement dans l'urticaire, la varicelle, le lichen plan et les piqures d'insectes.
  • Les crèmes aux corticoïdes (dermocorticoïdes) soulagent les démangeaisons dans le psoriasis et l'eczéma.
  • Deux molécules antiépileptiques, la prégabaline et la gabapentine sont utiles dans les prurits et les douleurs ayant une composante neuropathique (diabète, neuropathies des petites fibres).
  • Les psychotropes (antidépresseurs) sont donnés dans les prurits d'origine psychogène.
  • De nouvelles molécules semblent assez efficaces mais ont été commercialisées sous la forme de cosmétiques (Sensinol de Ducray qui contient un anti-PAR2 et Xeracalm d'Avène).
  • Les solutions pratiques au quotidien sont de bon sens : favoriser les douches plutôt que les bains, limiter la température de l'eau (eau tiède) et hydrater sa peau.

Et si certains spécialistes recommandent d'éviter les arachides et certains fruits secs, cela n'a absolument aucun intérêt dans le prurit, sauf en cas d'allergie alimentaire bien entendu.

Source : e-santé

Hélène Joubert, journaliste scientifique

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