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Le jeûne est-il une arme contre le cancer ?

Publié le 01/12/17

Le jeûne, arme de lutte contre le cancer ou contre les effets délétères des chimiothérapies ? On aimerait y croire. En réalité, il s’avère surtout dangereux voire contre-productif, selon les études scientifiques disponibles.

 

 

Cancer : pourquoi penser au jeûne ?

Depuis quelques années, l’idée que la restriction alimentaire - le jeûne - serait efficace pour lutter contre les cellules cancéreuses et/ou renforcer l’efficacité du traitement ou encore en limiter les effets secondaires est souvent relayée par les médias. Tout est parti d’une idée simple voire simpliste qui n’est -pour l’instant- corroborée par aucune étude scientifique. C’est un constat : l’une des particularités des cellules cancéreuses est leur renouvellement rapide, d’où des besoins nutritionnels élevés. Un apport constant et régulier en nutriments leur permet donc une croissance optimale. De là à penser que jeûner permet de les « affamer » et donc de lutter contre le cancer, il n’y a qu’un pas que certains n’hésitent pas à franchir. Des études in vitro (sur des cellules en milieu de culture en laboratoire) et précliniques (chez l’animal) ne les contredisent pas vraiment. Elles suggèrent -avec néanmoins de nombreux bémols et parfois des contradictions- que cela pourrait limiter la croissance tumorale ou même protéger les cellules saines dans un contexte de chimiothérapie. Néanmoins, il n’est pas scientifiquement correct de généraliser les quelques études disponibles à l’ensemble des cancers ni même de les transposer à l’Homme. Pr Christophe Moinard, Université de Grenoble et laboratoire de Bioénergétique Fondamentale et Appliquée, INSERM U 1055 : « Pour l’instant, aucune donnée expérimentale prouvant que le jeûne permettrait de lutter contre les cellules tumorales n’a été confirmée chez l’Homme. Chez des souris nourries à volonté ou soumises à une restriction calorique de 40% (1), la restriction impacte la croissance des tumeurs, mais pas pour tous les types de cancers. A ce jour, il est impossible de relier la croissance des cellules cancéreuses avec le niveau d’apport en nutriments : jeuner n’affame pas les tumeurs ! » Ecoutez la chronique de Détox : une affaire de prévention

Le jeûne malmène notre système immunitaire

Notre organisme possède un autre type de cellules qui se renouvellent rapidement comme les cellules cancéreuses et qui nécessitent aussi un apport régulier en nutriments : ce sont les cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages etc.). C’est pourquoi, l’efficacité de notre système immunitaire à nous défendre, par exemple contre les tumeurs, est largement dépendante de l’apport en nutriments. Jeûner l’affaiblit. Pr Christophe Moinard : « L’autre paramètre à prendre en compte lorsqu’on envisage le jeûne en cas de cancer est que celui-ci touche principalement la personne âgée (40% des cancers surviennent chez les plus de 75 ans). Faites jeûner une personne âgée et son système immunitaire ne s’en remettra pas ! Après un jeûne, contrairement à une personne plus jeune, la fonction immunitaire n’est pas restaurée chez une personne âgée. Le jeûne s’avère donc contre-productif vis-à-vis du cancer ».

Jeûne :  risque de malnutrition et de perte de poids

Par ailleurs, la malnutrition et la perte de poids sont reconnues comme des facteurs majeurs de dégradation du pronostic des personnes cancéreuses. La différence entre les adultes et les personnes âgées est qu’après une restriction calorique, même en s’alimentant à volonté, ces dernières ne récupèrent pas leur poids de départ (2). Le risque est grand d’entrer alors dans la dénutrition. De plus, chez les adultes âgés ou non, la dénutrition aggrave la mortalité et les complications chez les patients cancéreux (3).

Chimiothérapie : le jeûne pour mieux faire passer la pilule ?

L’autre idée que l’on entend souvent est que le jeûne sensibiliserait les cellules tumorales à la chimiothérapie, afin d’en augmenter l’efficacité. Ce postulat se fonde sur le fait qu’à jeun, les cellules saines inactivent certains mécanismes internes et se « mettent au repos ». Elles seraient donc moins sensibles à la chimiothérapie que les cellules cancéreuses qui continuent, pour leur part, leur croissance rapide. Ce concept de « préserver les cellules saines » sous chimiothérapie est développé par des chercheurs italiens conduits par le Dr Walter Longo. A ce jour, ses études sur des cellules tumorales en milieu de culture privé de nutriments sont mitigées : ce qui vaut pour certains types de tumeur (mélanome) ne vaut pas pour d’autres (cancer du sein) (4). Et chez la souris, à l’inverse, le jeûne juste avant une chimiothérapie réduit drastiquement l’espérance de vie (type de cancer étudié : le neuroblastome, un cancer de l’enfant). Pr Christophe Moinard : « Chez l’Homme, sur les quatre essais cliniques en cours dans le monde, un seul a été publié (6). Il regardait la tolérance de la chimiothérapie chez des femmes ayant un cancer du sein ayant jeuné 24 h auparavant. Chez elles, la toxicité semble moindre (évaluée au moyen du taux de globules rouges). Néanmoins, la méthodologie laisse à désirer (effectifs très faibles et résultats non significatifs du point de vue statistique) et il y a deux fois plus d’effets indésirables dans le groupe "à jeun". Difficile de conclure? En résumé, le concept de jeûne est intéressant mais il est loin d’être validé à ce jour. Ce pourrait être utile dans un type de cancer particulier, car tous ne réagissent pas de la même manière à un jeûne ». A suivre...

 

Marion Garteiser, journaliste santé

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