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Sevrage tabagique, et si l’on pensait aux TCC ?

Publié le 06/11/17

Laisser tomber la cigarette. Une fois pour toutes. Mais cette fois-ci en ayant recours aux thérapies cognitivo-comportementales, pour mettre toutes les chances de son côté. Sans être un remède miracle, elles doublent les chances d’arrêt du tabac à court et à moyen terme. Toutes les ficelles, à l’occasion du moi(s) sans tabac. Par Hélène Joubert, journaliste scientifique.

La dernière tentative sera la bonne

Le moi(s) dans tabac débute le 1er novembre. Ce défi collectif n’est pas si anecdotique puisqu’en Grande Bretagne, le nombre de fumeurs qui tente de s’arrêter est doublé au cours de ce mois entier.
Cette fois-ci, la tentative d’arrêt du tabac sera la bonne. Pour cela, toujours en complément d’un suivi psychologique ou d’un suivi par un tabacologue, de la prescription de substituts nicotiniques -qui multiplient par deux les chances de sevrage- ou de médicaments (varénicline, bupropion éventuellement), il est possible de suivre une thérapie cognitivo-comportementale ou TCC.

Dr Philippe Guichenez, pneumologue et tabacologue au CH de Béziers et auteur du premier ouvrage « Traiter l'addiction au tabac avec les thérapies comportementales et cognitives » paru en 2017 aux Editions Dunod : « Les thérapies cognitivo-comportementales (TCC) sont l’une des seules approches non médicamenteuses dont l’efficacité est scientifiquement démontrée dans le sevrage tabagique. Pour trouver un thérapeute, l’Association française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC)* est l’organisme national qui répertorie tous ceux formés aux TCC en France. Celles-ci peuvent être délivrées soit par un psychologue, qu’il soit spécialisé dans le sevrage tabagique – c’est encore mieux- ou non, soit par un tabacologue, dûment formé aux thérapies cognitivo-comportementales. Malheureusement, les médecins formés sont encore trop peu nombreux sur le territoire ».

TCC, l’association de méthodes comportementales et cognitives

Les TCC, comme leur nom l’indique, combinent à la fois des méthodes comportementales et cognitives.
Les méthodes comportementales cherchent à influencer, à modifier les comportements qui posent problème grâce à l’apprentissage de nouveaux comportements incompatibles. Apprendre à se relaxer est un exemple, car la relaxation est incompatible avec l’anxiété et l’irritabilité. Puisqu’on est en mesure de ne ressentir qu’une émotion à la fois, la première chassera les autres.

Les méthodes cognitives sont plutôt centrées sur les pensées, les émotions et les comportements, en permanente interaction. Ces pensées automatiques constituent un dialogue intérieur qui reflètent les émotions, voie d'accès vers des schémas de réflexion.

En pratique, une thérapie cognitivo-comportementale s’étend sur une année. Les séances sont hebdomadaires ou bimensuelles, mais toujours individuelles. A chaque séance, plusieurs points sont à travailler. Le patient repart avec des exercices pour préparer la séance suivante.

Les TCC, un découpage en quatre étapes

Globalement, toutes les thérapies cognitivo-comportementales se déroulent sur le même modèle, à commencer par une « alliance thérapeutique », scellée entre le médecin et son patient. Dans un climat empathique, authentique, chaleureux et professionnel, ils se mettent d’accord sur les raisons, les objectifs et les moyens de la démarche de sevrage. La technique d’entretien des 4R peut les y aider (« reformuler, résumer, recontextualiser, renforcer »). Puis c’est au tour de l’« analyse fonctionnelle », qui permet de définir et de comprendre le fonctionnement d'une personne maintenant et dans le passé.

Dr Philippe Guichenez : « La troisième étape consiste en la mise en pratique des méthodes comportementales (relaxation, contrôle du stimulus…) et cognitives. Ces dernières sont elles aussi découpées en quatre phases : la mise en évidence des pensées automatiques (« ça va me calmer », « une cigarette ce n'est pas grave »), la modification de celles-ci au moyen des cinq colonnes de Beck, la mise en évidence puis la modification des erreurs de logique comme la minimalisation et maximalisation (« c’est pas grave », « j'ai repris c'est fichu ») et enfin, l’expression des croyances des fumeurs suivie de leur modification.
Voici les 5 colonne de Beck dans le détail : A. Situation (stress au boulot). B. Emotions (anxiété). C. Pensées automatiques (ça va me calmer de fumer). D. Pensées alternatives et nouvelle émotion (« la cigarette calme sur le moment est seulement une impression, la relaxation fonctionne bien dans ce cas-là, nouvelle émotion moins anxieuse »). D. Comportement avec la pensée modifiée (« j'applique la relaxation et je prends une gomme à la nicotine »). »

Les TCC bénéficient toutes d’une évaluation avant, pendant et après la thérapie.

Cinq « outils » pour augmenter la motivation

Les TCC peuvent sembler complexes. Mais des simplifications existent, pragmatiques et efficaces : on les appelle les « outils TCC », testés et approuvés pour augmenter la motivation**.

  • La méthode de la « balance décisionnelle ». Elle consiste à lister les avantages et les inconvénients de continuer à fumer avec un certain nombre d’items que l’on score entre 0 et 100. Puis c’est au tour des avantages et inconvénients à arrêter de fumer, et enfin celui des avantages à continuer à court terme versus les inconvénients à continuer à long terme.

 

  • La méthode de la « lettre de rupture ». Dans l’optique de graver cette décision dans le marbre, le fumeur écrit au tabac pour lui annoncer leur rupture. Y figure ce que lui apporte la cigarette, pourquoi il a décidé d’arrêter…

 

  • La méthode des « cercles vicieux/cercles constructifs ». Pour être vraiment confronté à la réalité, rien de tel que de mettre noir sur blanc le cercle vicieux du tabagisme de la personne. En complément, la mise en place d’une vie sans tabac dans le cercle constructif produira un effet positif sur la motivation.

 

  • La méthode « L’histoire de ma vie ». C’est un choix personnel, qui oscille entre tout sacrifier au présent (« je fume par plaisir ») ou tout sacrifier à l’avenir ». En fonction de l’endroit où le fumeur place le curseur, le thérapeute peut creuser avec lui les raisons de ce choix et évaluer sa réelle motivation à arrêter de fumer sur le long terme.

 

  • La méthode des « Je dois /Il faut ». C’est un constat avéré : toute phrase commençant par « Il faut » augmente la consommation tabagique. C’est pourquoi le thérapeute apprend au patient à repérer les phrases débutant par l’expression « Il faut » et l’émotion qu’elle génère. L’étape suivante est de formuler des phrases moins toxiques.

* www.aftcc.org; ** Ces méthodes sont explicitées dans le livre du Dr Philippe Guichenez.

D’après un entretien avec le Dr Philippe Guichenez, pneumologue tabacologue au CH de Béziers.

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