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Allergie grave : l’anaphylaxie, une urgence vitale trop méconnue

Publié le 06/02/18

Les allergies alimentaires ou aux pollens, de plus en plus fréquentes, sont fortement médiatisées. Au point -revers de la médaille- d’être banalisées. Or les réactions allergiques graves ou « anaphylaxies » sont, elles aussi, plus courantes et trop méconnues alors qu’elles engagent le pronostic vital, selon un sondage Ifop. De nombreuses personnes à risque n’y sont pas préparées. L’anaphylaxie en 10 questions.

1 - Qu’est-ce que l’anaphylaxie, cette réaction allergique grave ?

Le choc anaphylactique, ou anaphylaxie, est beaucoup plus courant qu’on ne le croit. Cette réaction allergique imprévisible, brutale et sévère est potentiellement mortelle. Elle se caractérise par l’apparition soudaine de symptômes à la fois cutanés et muqueux ou des deux (urticaire généralisée, démangeaisons, gonflement des lèvres, de la langue ou de la luette…) associés à une atteinte respiratoire et/ou une perte de connaissance voire le décès.

La mortalité est due soit au collapsus cardio-vasculaire (chute de la pression sanguine avec arythmie ventriculaire et/ou infarctus du myocarde), soit plus fréquemment à une suffocation (par œdème laryngé et/ou surtout œdème des bronches avec bronchospasme/ diminution du calibre des bronches).

2 - Qui connaît l’anaphylaxie ?

Dans une enquête nationale Ifop 2016* auprès des personnes allergiques à risque et leurs proches, seules 24% des personnes interrogées -pourtant concernées au premier chef- savent précisément de quoi il s’agit. Toujours selon ce sondage, 8% ont déjà expérimenté une réaction allergique forte, dont un choc anaphylactique dans 87% des cas. Les personnes sont conscientes du danger dans l’immense majorité. En conséquence, dans le cas d’une allergie alimentaire, 34% passent ensuite beaucoup plus de temps à lire les étiquettes et modifient leur comportement alimentaire.

3 - L’anaphylaxie, pourquoi est-elle en constante augmentation ?

L’anaphylaxie répond à la définition d’une maladie rare puisque sa prévalence est de moins de 1/2 000 personnes. Son incidence (nombre de cas par an) est mesurée à moins de 1/10 000 habitants. Au cours des dix dernières années, en Europe, le nombre d’hospitalisations d’enfants pour des réactions allergiques sévères a été multiplié par sept.

Pr Pascal Demoly, Département de Pneumologie et Addictologie, Hôpital Arnaud de Villeneuve, CHU de Montpellier : « Il n’y a pas de donnée mondiale d’évolution dans le temps du nombre des anaphylaxies, mais des données régionales suggèrent une augmentation de leur incidence (+ 700% en Angleterre), notamment avec l’apparition de nouveaux allergènes, surtout les nouveaux médicaments et certains aliments. Elle est source d’hospitalisations (1/3 000 aux Etats-Unis) et de décès (1,12 par million d’habitants et par an au Brésil) ».

4 - Quel est le mécanisme de la réaction allergique grave ?

Une réaction anaphylactique peut survenir dès la toute première réaction allergique.

Chez les personnes allergiques, le système immunitaire qui protège l’organisme contre les bactéries, les virus et les toxines reconnaît, de façon incorrecte, des substances inoffensives comme étant nocives et réagit de façon excessive, en libérant des médiateurs chimiques pour se défendre. Ce mécanisme fait intervenir le plus souvent une classe d’anticorps (immunoglobulines) retrouvée classiquement dans les allergies (alimentaires, médicaments, venins). Mais d’autres mécanismes plus complexes existent dans l’anaphylaxie.

5 - Quels allergènes sont susceptibles de provoquer une anaphylaxie ?

Même si elles varient selon les pays et les groupes d’âges, on retrouve toujours les trois principales causes d’allergies : les médicaments, les aliments et les venins d’hyménoptères (abeilles, guêpes, bourdons etc.).

Plus de 30% de toutes les réactions anaphylactiques sévères sont dues à des allergies alimentaires. Chez les jeunes enfants, les aliments sont responsables de 66% des réactions allergiques sévères rapportées et 20% d’entre elles ont eu lieu à l’école. Si plus de deux écoles sur trois accueillent un enfant avec un risque anaphylactique, elles ne sont pas suffisamment formées ou préparées à la gestion de l’urgence.

Les principaux allergènes qui peuvent conduire à un choc anaphylactique sont les suivants :

- Certains aliments : œufs, lait de vache, soja, noisette et arachide chez l’enfant ; blé, arachides, fruits à coque (dont noix), soja, poissons et fruits de mer chez l’adulte.
- Les piqûres d’insectes : abeilles, guêpes, frelons (50% des chocs anaphylactiques et 20% des anaphylaxies fatales).
- Certains médicaments : antibiotiques, anesthésiques, produits de contraste pour l’imagerie médicale, chimiothérapies et les anti-inflammatoires (dits non-stéroïdiens).
- Le latex.

6 - Quels sont les allergiques à risque d’anaphylaxie ?

Le principal facteur de risque d’anaphylaxie est d’en avoir déjà fait une !

Pr Pascal Demoly : « Concernant la fréquence croissante de l’anaphylaxie alimentaire, les facteurs de risque d’anaphylaxie sévère et/ou mortelle identifiés sont l’arachide et les fruits à coque, le fait d’être un adolescent et la présence de certains cofacteurs (notamment l’asthme, l’exercice, l’alcool, les traitements par ß-bloquants utilisés dans l’hypertension artérielle ou de nombreuses pathologies cardiovasculaires), la mastocytose (accumulation de nombreux mastocytes, ces cellules appartenant au tissu conjonctif et qui sécrètent de l’histamine, une molécule de signalisation du système immunitaire), le retard ou la non-administration d’adrénaline ».

7 - Comment reconnaître les signaux d’alarme d’une anaphylaxie ?

Il y a suspicion d’anaphylaxie si, dans les instants suivant le contact avec un allergène potentiel, un ou plusieurs des symptômes suivants apparaissent :

- Peau : urticaires, prurits (démangeaisons), rougeurs, œdème du visage (lèvres et langue).
- Système respiratoire : dyspnée (difficulté à respirer), sifflements, respiration rauque.
- Système digestif : douleurs et crampes abdominales, vomissements.
- Système cardiovasculaire : palpitations, douleurs thoraciques, évanouissement, collapsus.

Ce sont ces critères pris tous ensemble qui doivent alerter.

8 - Comment limiter le risque d’anaphylaxie ?

Les personnes affectées doivent consulter un spécialiste en allergologie afin d’identifier le ou les allergènes en cause, en vue de les éviter mais aussi de trouver les causes non allergiques. Or, d’après l’enquête nationale Ifop, 29% des personnes n’ont pas réussi à identifier clairement ce qui était à l’origine de leur choc anaphylactique ou de celui de leur proche. Et seule une minorité a consulté un médecin spécialiste en allergologie et s’est rendue aux urgences à la suite d’une crise.

Pr Pascal Demoly : « L’éviction définitive et absolue de l’agent déclenchant est indispensable. Elle s’appuie sur la réalisation de l’enquête allergologique. Une trousse d’urgence (avec stylo d’adrénaline, éventuellement des médicaments glucocorticoïdes, antihistaminiques, ß2-mimétiques) est prescrite. Son maniement doit être expliqué avec précision ».

L’immunothérapie allergénique ou "désensibilisation" d’une allergie aux venins d’hyménoptères (guêpes etc.) doit pouvoir permettre une guérison.

9 - Quel est le traitement d’urgence lors d’un choc anaphylactique ?

Toujours selon l’enquête Ifop 2016, seules 19% des personnes ayant déjà été victimes (ou un proche) d’une réaction anaphylactique en connaissent l’unique traitement : l’adrénaline.

En dehors de l’hôpital, l’administration immédiate d’adrénaline intramusculaire est le traitement recommandé. En effet, le laps de temps entre les premiers symptômes et l’arrêt respiratoire ou cardiaque est très court : environ 30 minutes lors d’une anaphylaxie induite par l’alimentation, 15 minutes dans le cas d’une induction par un venin d’insectes et 5 minutes dans le cas d’une allergie médicamenteuse.

Pr Pascal Demoly : « L’adrénaline est le médicament de choix du fait de ses fonctions dites : alpha adrénergiques (qui induisent une constriction des vaisseaux périphériques et diminuant ainsi les fuites périphériques/extravasation), mais aussi ß1 adrénergiques (qui accélèrent et stimule/soutien le cœur) et ß2 adrénergiques (effet bronchodilatateur) ».

10 - Anaphylaxie : les allergiques à risque sont-ils parés ?

Sûrement pas autant qu’il le faudrait. Selon l’enquête Ifop, plus de huit patients sur dix ne se sont jamais vus prescrire de stylo d’adrénaline après un choc et seuls 15% l’ont sur eux en permanence. Un constat corroboré par une étude européenne en pédiatrie où 74% des enfants ayant présenté un choc anaphylactique n’ont pas eu d’adrénaline faute d’avoir une prescription et 54% (malgré une prescription) ne l’avaient pas sur eux ou n’ont pas su l’utiliser lors de l’épisode anaphylactique.

En pratique, quiconque a déjà eu un épisode anaphylactique ou est à haut risque de réaction allergique sévère doit avoir deux stylos d’adrénaline à portée de main. En effet, plus d’un patient sur cinq nécessite une seconde dose, cinq à quinze minutes après la première injection…

* Enquête Nationale Ifop « Les Français et le choc anaphylactique » menée en France en Juillet et Août 2016. Enquête menée auprès d’un échantillon de 319 personnes à risque anaphylactique et de 392 proches de personnes à risque anaphylactique
D’après un entretien avec Pr Pascal Demoly, Département de Pneumologie et Addictologie (CHU de Montpellier) et la conférence de presse de l’Association Française pour la Prévention des Allergies, association loi 1901 créée en 1991.

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