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Epilepsie : à chaque crise son histoire…

Publié le 06/02/18

Toutes les personnes souffrant d’épilepsie ne se ressemblent pas, les crises d’épilepsie non plus. A ceux pour qui l’épilepsie n’évoque rien d’autre que des convulsions spectaculaires, le Dr Gilles Huberfeld, neurologue au CHU Pitié-Salpêtrière (Paris) raconte cette maladie, à l’occasion de la Journée Nationale pour l’Epilepsie qui se tient le 17 novembre. Avec, en fil rouge, l’histoire de Sophie, jeune femme épileptique.

Epilepsie : la toute première crise

Sophie est une jeune femme souffrant d’épilepsie, comme au moins 500 000 personnes en France. La définition de l'épilepsie, ce sont des manifestations liées à des décharges anormales d’influx nerveux dans le cerveau : c’est le trouble neurologique le plus fréquent après la migraine et touche presque 1% de la population. Vu la variété des formes d’épilepsie, il est d’ailleurs plus juste de parler des épilepsies.

Une épilepsie peut débuter, et se découvrir, à tout âge avec néanmoins plus de nouveaux cas dans les premières années de vie et après 50-60 ans.

Sophie a découvert à l’adolescence qu’elle était épileptique en se "réveillant" à l’arrière d’un camion de pompiers. Elle se rappelle s’être levée un matin, après avoir peu dormi, puis c’est le trou noir. Ses parents ont été alertés par des bruits. Lorsqu’ils sont entrés dans sa chambre, elle était au sol, raide, parcourue de secousses. Il s’agissait de ce que l’on appelle une crise tonico-clonique généralisée ou convulsions.

Dr Gilles Huberfeld, neurologue, Département de Neurophysiologie Clinique, CHU Pitié-Salpêtrière Université Pierre et Marie Curie (Paris) : « Lorsqu’elle sera interrogée par le médecin, Sophie identifiera un autre type de crises qui étaient déjà présentes mais passées inaperçues : elle avait parfois, surtout le matin, des sursauts du haut du corps. Il s’agit de myoclonies (contractions musculaires brutales et involontaires) qui dans son cas, étaient pathologiques car survenant en plein éveil. Elles sont souvent négligées, jusqu’à la première grande crise convulsive ou crise tonico-clonique généralisée. Le diagnostic médical, conforté par un enregistrement de l’activité électrique du cerveau (Electro Encéphalo Gramme ou EEG), sera celui d’ "épilepsie myoclonique juvénile". Typiquement, cette épilepsie assez fréquente (10% des épilepsies) débute à l’adolescence (entre 6 et 36 ans) ».

L’épilepsie de Sophie, une prédisposition génétique

Quelles sont les causes des crises d’épilepsie ?

  • La grande majorité des agressions cérébrales (traumatismes, tumeurs, accidents vasculaires par ex.) qui entraînent des lésions dans le cortex (substance grise du cerveau) rendent les neurones anormalement excitables, qui peuvent parfois s’embraser de manière excessive et provoquer une crise d’épilepsie.
  • D’autres épilepsies sont liées à des anomalies de formation du cerveau, en particulier du cortex. Elles s’exprimeront volontiers précocement, aux jeunes âges, et les crises peuvent interférer avec les mécanismes de développement du cerveau.
  • Certaines épilepsies sont de cause génétique. Mais l’influence génétique est très variable. Elle va d’un gène (muté) déterminant la maladie à lui seul, à une tendance à l’augmentation de l’excitabilité des neurones selon le patrimoine génétique hérité des parents. Une circonstance nettement plus fréquente.
  • Enfin d’autres épilepsies sont de cause inconnue. Dans le cas l’épilepsie myoclonique juvénile de Sophie, un cortège de gènes de prédisposition est supposé augmenter le risque d’épilepsie, en interaction avec l’environnement (manque de sommeil, etc.).

Différents types de crise d’épilepsie : absence, convulsion, perte de parole, sensations internes…

Sophie a finalement fait très peu de crises avant qu’un traitement antiépileptique ne soit instauré. Elles pouvaient se manifester sous forme de secousses très brèves (myoclonie). Lorsque les myoclonies sont présentes, le risque de grande crise de convulsion est alors plus élevé.

Un troisième type de crise peut survenir dans presque un tiers des cas : les absences. Il s’agit de brèves ruptures de contact, sortes de trou noir pendant 4 à 20 secondes où la personne cesse d’interagir avec l’environnement.

Pour toutes les épilepsies, la survenue spontanée et répétée de crises est imprévisible, soudaine, plus ou moins espacée. Ces crises sont de durée variable, mais souvent brève de quelques secondes à dizaines de secondes, en tout cas moins de cinq minutes. L’épilepsie est une maladie capricieuse : vis-à-vis de la fréquence des crises, les périodes ne se ressemblent pas forcément. Néanmoins, chez une même personne, les crises sont généralement identiques. Mais elles sont parfois de type multiple et plus ou moins complètes, plus ou moins sévères aussi.

Entre les individus, les types et la sévérité des crises sont extrêmement variables, allant de la simple absence à la grande crise tonico-clonique généralisée très impressionnante. On distingue schématiquement les crises généralisées, embrasant d’emblée tout le cerveau (20 % des patients) des crises focales ou partielles (70%), débutant dans une région limitée du cortex et dont les symptômes dépendent de la région activée par la décharge épileptique.

Dr Gilles Huberfeld : « Les crises généralisées peuvent se traduire par une absence, des secousses brèves isolées mais aussi par les crises tonico-cloniques ou convulsions (antérieurement nommées "grand mal"). C’est la forme la plus spectaculaire de crise d'épilepsie : perte de connaissance brutale, raidissement, contraction de l'ensemble des muscles des membres sous forme de secousses d’abord rapides et peu amples puis de plus en plus éparses et amples (phase clonique) avec blocage de la respiration. Elle se termine par une phase de coma avec respiration brutale et relaxation.

Pour leur part, les crises focales sont très diverses selon la région activée. Il peut s’agir d’une sensation interne étrange, d’une difficulté à parler, de troubles visuels, d’hallucinations, de mouvements ou de paralysie, d’altération du contact … ».

Des déclencheurs pas toujours identifiés

Contrairement à ce que l’on croit, une crise d’épilepsie survient plus volontiers au repos, en phase de relâchement ou même au cours du sommeil. Le risque de crise est augmenté en cas de fatigue, stress, manque de sommeil, dans certaines circonstances hormonales ou métaboliques. Dans d’assez rares cas des stimulations visuelles peuvent déclencher une crise : on parle de photosensibilité. L’alcool peut parfois la favoriser, de même que certains médicaments, notamment certains antidépresseurs ou anti douleurs. L’activité physique est rarement en cause. Dans le cas de Sophie, le manque de sommeil est le facteur favorisant principal.

Epilepsie : traitement à vie, mais pas toujours

Sophie, pour son épilepsie myoclonique juvénile, généralement aisée à traiter, reçoit un traitement antiépileptique précis, car dans son cas, certains antiépileptiques pourraient au contraire aggraver la situation. Sophie ne souhaite pas encore d’enfants, mais il est préférable de ne pas lui proposer de valproate de sodium dont le plus connu est la Dépakine R, du fait d’un risque sur le fœtus lorsqu’elle sera enceinte.

Les antiépileptiques ne guérissent pas la maladie. Ils ne peuvent qu’infléchir la fréquence et la sévérité des crises. A l'arrêt du traitement leur reprise est implacable, sauf si l’épilepsie a guérit spontanément, ce qui est le cas pour certaines épilepsies.

Au début du traitement, Sophie s’est sentie un peu fatiguée, ralentie, nauséeuse, ressentant des vertiges. Elle n’a pas eu beaucoup de chance car ces symptômes sont souvent absents ou très limités.

Fort heureusement pour elle, Sophie fait partie des 70 % des personnes souffrant d’épilepsie chez qui le traitement médicamenteux est efficace, les libérant de toute crise. Pour la moitié d’entre-elles, il faut associer un à plusieurs antiépileptiques.

Dr Gilles Huberfeld : « Les antiépileptiques sont à prendre chaque jour, à heure fixe, pour prévenir des crises qui surviendraient occasionnellement. Sophie est observante de son traitement. Elle fait bien, car non seulement l’oubli d’une prise d’antiépileptique lèverait l’effet protecteur contre les crises mais a contrario favoriserait la survenue de crises par un effet de sevrage dû à l’arrêt brutal du traitement. Ces crises de sevrage peuvent être très graves, entraînant parfois des "état de mal".

Source : D’après un entretien avec le Dr Gilles Huberfeld, neurologue, Département de Neurophysiologie Clinique, CHU Pitié-Salpêtrière (Paris), Université Pierre et Marie Curie.
www.epilepsie-france.fr

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