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J’ai un cancer, mais je travaille

Publié le 06/02/18

Le cancer a des conséquences considérables dans tous les domaines, y compris professionnels. Or l’activité professionnelle a justement une importance capitale lors de l’épreuve du cancer et surtout de l’après-cancer, pour se reconstruire. Karen, atteinte d’un cancer à l’âge de 27 ans, nous relate son parcours et nous explique comment elle a réussi à surmonter cette double peine.

 

Quelles ont été les conséquences de votre cancer sur votre activité professionnelle ?

J’étais en CDI et j’occupais un poste de conseillère vendeuse en téléphonie mobile dans une boutique à Limoges, quand en mai 2009 on m’a diagnostiqué un cancer du col de l’utérus. Dès que j’ai su le nom de la maladie, j’ai téléphoné à mon responsable de boutique pour lui annoncer que je ne viendrais pas ce jour-là, ni les suivants et probablement pour une longue période. J’ai alors enchainé les rendez-vous et les arrêts maladie imposés par mon oncologue le temps de réaliser les examens et de définir le protocole de soins. J’ai ensuite été arrêtée un an, pendant toute la durée du traitement. C’était mon choix, car je voulais guérir, mais aussi parce que je n’avais reçu aucune information de la part de mon employeur sur le fait que j’aurais pu continuer à travailler tout en me faisant soigner. J’étais jeune, je n’avais que 27 ans et je ne savais pas où me renseigner ni quels étaient les dispositifs existants. Au bout d’un moment, je me suis sentie inutile, mise à l’écart, je m’ennuyais. Ma vie sociale se résumait au personnel de santé. Je pense que travailler m’aurait fait psychologiquement beaucoup de bien pendant mes traitements.

Peut-on concilier le travail et le cancer ?

Étant aujourd’hui bien informée sur les dispositifs mis à disposition des malades, je sais que l’on peut concilier le travail et le cancer. Dans mon cas, on aurait pu tout simplement imaginer un temps partiel thérapeutique avec un emploi du temps adapté à mes traitements et à leurs conséquences. J’aurais pu m’arrêter uniquement pendant les séances de chimiothérapie pour gérer la fatigue intense provoquée par ce type de traitement et ensuite reprendre une vie professionnelle et sociale quand je me sentais bien.

En quoi l’activité professionnelle est-elle si importante pendant et après le cancer ?

L’une des conséquences de la maladie étant financière, particulièrement dans le commerce où les primes représentent une grande part de rémunération, j’ai décidé au bout d’un an de reprendre mon travail à temps plein. Encore une fois, je ne savais pas à cette époque que l’on pouvait accéder à un temps partiel et j’imaginais qu’en réduisant mes heures de travail mon salaire serait diminué. Je me suis rapidement sentie fatiguée, mais je voulais retrouver ma vie d’avant, gagner de l’argent et avoir une vie sociale. Ça a duré un an, jusqu’à ce que des aléas thérapeutiques se manifestent. Mon emploi nécessitait que je sois debout en permanence, or j’avais très mal à la jambe. C’est ainsi que l’on m’a découvert une ostéonécrose de la tête fémorale, qui a nécessité la pose d’une prothèse de hanche totale. Les suites opératoires et la rééducation m’ont imposé un nouvel arrêt maladie complet d’environ un an, à la suite duquel j’ai été déclarée inapte par la médecine du travail pour poursuivre mon activité professionnelle en boutique. Comme le prévoit la loi, un reclassement professionnel m’a été proposé au sein de mon entreprise, mais le seul poste adapté pour moi, en position assise donc, se trouvait au siège à Paris. Étant donné ma fragilité, je n’ai pas voulu déménager ni quitter ma ville et mon entourage dont j’avais besoin, ce qui a conduit à un licenciement pour inaptitude médicale en 2012. Je devais retrouver rapidement du travail pour gagner de l’argent et élever seule mon fils de 10 ans, mais je savais qu’avec mon niveau d’étude (le Bac), ce ne serait pas facile. Inscrite comme demandeuse d’emploi et reconnue comme travailleur handicapé, j’ai été suivie par Cap Emploi qui m’a conseillé une formation de 3 mois de remise à niveau, puis un BTS Assistante manager en alternance avec les ressources humaines de la SNCF de Limoges. J’ai été très bien accueillie et entourée de personnes bienveillantes et très sensibles à mes difficultés, ce qui m’a considérablement aidée dans cette nouvelle aventure, pas forcément évidente et qui demandait beaucoup d’efforts et d’énergie.    Durant cette période, l’entreprise s’est engagée auprès de l’Association Cancer@Work, pionnière dans la mise en place d’actions de sensibilisation, de conférences, tables rondes et ateliers de reconstruction. Je me suis greffée à ce groupe de travail pour témoigner lors d’une conférence, puis pour concrétiser des plans d’actions. C’est là que j’ai rencontré Anne-Sophie Tuszynski, fondatrice de l'Association Cancer@Work, elle même ancienne malade du cancer, qui a créé son propre cabinet de conseils en stratégie business développement responsable, dont la mission est d’intégrer la maladie dans le monde du travail et dont les projets sont portés par des malades ou de proches aidants. Elle m’a confié le lancement d’une Hotline Allo Alex à destination de tous ceux qui sont confrontés au cancer au travail. Malades, aidants ou managers peuvent poser toutes les questions qu’ils souhaitent et je m’efforce d’y répondre. Dotée de mon expérience vécue et désormais bien renseignée sur les dispositifs dont j’ignorais l’existence auparavant, j’aide les salariés et les employeurs. Les interrogations sont toujours légitimes, tant de la part des malades (dois-je informer ma société ? À qui m’adresser ? Puis-je demander un aménagement de poste ? Demander un temps partiel ? Comment trouver une rémunération si je ne peux pas reprendre le travail ?), que des DRH (comment aider sans être trop intrusif ?) ou des salariés (comment accompagner mon collègue ? Comment communiquer avec lui ?). En cas de besoin, je contacte notre équipe d’experts (avocat, DRH, médecin du travail, psychologue) pour pouvoir fournir des informations très précises. Cette Hotline est doublée d’un site internet https://www.alloalex.com qui propose un accompagnement personnalisé des malades à toutes les étapes, depuis l’annonce jusqu’à  la fin des traitements et la réintégration dans l’entreprise et qui permet également aux utilisateurs confrontés à la maladie de consigner leur propre chemin, de cheminer, apporter, et noter leurs propres réponses. Si je fais le bilan de ma maladie, il n’en ressort pas que des choses négatives, au contraire, j’ai obtenu mon diplôme de BTS en 2015 et j’ai retrouvé un CDI et une stabilité grâce à la ma rencontre avec Anne-Sophie, en région parisienne (j’étais prête cette fois). La maladie m’a transformée et j’ai envie de rebondir. Après avoir souffert de la maladie et de ses conséquences, j’ai retrouvé des envies, de l’énergie et elle ne m’empêche plus de travailler, je n’ai que 35 ans j’ai encore de longues années de travail devant moi. La maladie a développé chez moi certaines qualités/compétences telles que la prise de recul, l’empathie, la gestion du stress et des priorités. Le cancer a été créateur de valeurs, bénéfiques tant sur le plan personnel que professionnel. J’ai d’autant plus la niaque que la Hotline est un projet qui m’intéressait particulièrement : il me permet d’apporter aux autres malades ce que je n’ai pas eu, de m’engager envers ceux qui se retrouvent dans ma situation.

Comment se faire aider ?

  • Je recommande d’être très transparent sur son état de santé : si l’on veut prétendre à un aménagement de poste ou à une autre organisation pour bien s’intégrer dans l’entreprise, il faut développer une relation gagnante pour les deux parties. Bien sûr, la décision d’en parler ou non reste propre à chacun et il n’y a aucune obligation légale d’en parler à son employeur.
  • De toujours beaucoup communiquer : lorsque cela est possible et qu’on le souhaite, il faut être acteur des aménagements et s’impliquer pour s’organiser au mieux avec ses collègues, notamment lorsque l’on est en arrêt maladie (bien définir qui fait quoi, essayer de trouver des solutions ensembles).
  • D’identifier quels sont les contacts au sein de son entreprise, les interlocuteurs privilégiés qui pourraient aider et donner les bonnes informations : le manager, les services RH, le service social, le médecin du travail, les missions handicap? et surtout avec qui on peut se sentir à l’aise.

Dans mon cas, c’est ce qui m’a manqué, personne n’est venu vers moi. Mais c’est réellement possible de retravailler avec un handicap ou une maladie et c’est aussi très important pour que la maladie ne devienne pas notre nouveau monde, pour que la vie ne se résume pas à la maladie.

 

Marion Garteiser, journaliste santé

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