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Lupus : les progrès dans le traitement de cette maladie auto-immune

Publié le 17/01/18

La prise en charge du lupus a bénéficié ces dernières années de progrès considérables. Le développement de nouveaux médicaments pourrait encore davantage révolutionner le traitement de cette maladie auto-immune. Mais tant qu'ils n'ont pas démontré leur efficacité et que les bénéfices pour les patients n'ont pas été validés, « restons humbles », suggère le Pr Jean Sibilia*.

 

Le lupus, une maladie pas comme les autres...

  • Non pas un lupus, mais des lupus

Le lupus est une maladie rare et complexe... mais avec près de 30.000 malades en France, le lupus n'est pas non plus une pathologie exceptionnelle.
En fait, le lupus est une constellation de formes différentes qui s'expliquent par des mécanismes distincts que l'on appelle auto-immunes. L'auto-immunité est une réaction anormale du système immunitaire, qui se « retourne » contre ses propres cellules pour des raisons à la fois génétiques, mais aussi environnementales.
Le lupus  peut donc s'exprimer par des signes très divers : hématologiques, cutanés, rénaux, cérébraux ou articulaires, en associant parfois des signes articulaires et cutanés, hématologiques et rénaux. Pour une prise en charge spécifique et adaptée, nous avons aujourd'hui besoin d'améliorer nos connaissances pour mieux comprendre les mécanismes immunitaires impliqués dans chaque type de lupus.

 

  • Le lupus est une maladie complexe

Beaucoup de maladies humaines répondent à une problématique assez simple : une cause, une maladie, un traitement. Par exemple, une angine à streptocoque s'exprime par des symptômes précis et se traite avec des antibiotiques. Dans le lupus, le diagnostic et le traitement sont beaucoup plus compliqués.

Ainsi certains facteurs d'environnement conditionnent le lupus : les ultraviolets, les hormones féminines (ce qui explique, en partie, pourquoi le lupus touche des femmes dans neuf cas sur dix), le tabagisme... Attention, ces facteurs ne sont pas à l'origine du lupus, mais des déclencheurs ou des facteurs aggravants.

Le lupus s'explique aussi par une prédisposition génétique, mais pas seulement liée à un gène comme dans l'hémophilie par exemple. Entre 100 et 150 gènes ont été mis en cause dans le lupus, c'est donc une maladie polygénique comme les autres maladies auto-immunes. Et selon la photographie génétique de chacun, un certain nombre de ces gènes participe à cette prédisposition à développer un lupus. On sait par exemple que chez l'enfant (moins chez l'adulte), le lupus peut être lié à des anomalies génétiques concernant les voies de l' interféron. De telles connaissances conditionnent les thérapeutiques de demain.

En déterminant certains dysfonctionnements du système immunitaire, on a réussi à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques spécifiques, comme les cellules dendritiques, plasmacytoïdes (qui produisent de l'interféron), des lymphocytes T et B (des cellules de l'immunité) et des polynucléaires neutrophiles.

Une autre piste à explorer est de savoir ce qui prédispose à une forme de lupus plutôt qu'à une autre ? Pourquoi certains types de lupus touchent la peau, le coeur ou les reins ? Si l'on n'a pas toujours la même maladie, c'est que les cellules qui composent les tissus touchés par le lupus, ou leur environnement, ont quelque chose de particulier qui prédispose à la maladie.

Enfin, pour communiquer entre elles, les cellules produisent des médiateurs et disposent de récepteurs. Ces multiples acteurs moléculaires peuvent aussi constituer des cibles spécifiques pour les thérapies d'aujourd'hui et de demain. On sait qu'une des principales molécules produites par les cellules de l'immunité dans le lupus est l'interféron. On sait également que dans le lupus, les lymphocytes B sont activés par une cytokine dénommée BAFF. Or il existe déjà sur le marché une molécule qui bloque BAFF, commercialisée sous le nom de Benlysta® (belimumab).
 

Quels sont les grands progrès dans la maladie de Lupus ?

Le premier vrai progrès réalisé dans la prise en charge du lupus a été l'amélioration de nos connaissances sur cette maladie et de son diagnostic par des centres experts, regroupés dans un réseau français, appelé FAI2R. Plus  on détecte tôt cette maladie, plus les traitements seront performants.

Le deuxième grand succès a été la maitrise des facteurs aggravants (exposition aux UV et à certains toxiques, aux hormones...) et des complications. Par exemple, on sait aujourd'hui minimiser les effets indésirables de la cortisone, médicament utilisé en première intention, et surtout les effets du lupus sur le système cardiovasculaire. Il s'agit de la complication la plus importante et la plus fréquente dans nos populations. En effet, chez le lupique, l'athéromatose est accélérée car  l'inflammation favorise une maladie immunitaire de la paroi des vaisseaux, pouvant mener à l'infarctus du myocarde.

Enfin, on a appris à mieux prescrire et à surveiller les traitements de référence immunomodulateurs et immunosuppresseurs, lesquels ne sont pas dénués de risques, notamment infectieux.
 

Comment traite-t-on le lupus aujourd'hui ?

Les médicaments contre le lupus ne sont pas nombreux.

  • La cortisone est un médicament très efficace, mais toxique si on l'utilise trop longtemps et à fortes doses. On l'emploi donc au mieux, à la plus faible dose efficace et le moins longtemps possible.
  • Les immunomodulateurs sont très utiles et tout lupus, quel qu'il soit, et a fortiori s'il est cutanéo articulaire, devrait être traité par un antipaludéen de synthèse. Le Plaquénil® réduit de 50% le risque de complications de la maladie. Là encore, le grand progrès a été d'apprendre à mieux utiliser cette classe de médicaments, comme par exemple pendant la grossesse. Il faut savoir qu'autrement fois déconseillée, la grossesse est aujourd'hui parfaitement maitrisée chez les patients lupiques.
  • Les immunosuppresseurs : les quatre médicaments actuellement utilisés sont le méthotrexate, l'azathioprine (Imurel®), le mycophénolate mofétil (Cellcept®) et le cyclophosphamide (Endoxan®). Ils sont plus ou moins toxiques, les plus dangereux étant réservés aux formes graves, mais ils font encore partie du traitement de référence d'un lupus actif.

 

De nouvelles pistes de médicaments révolutionnaires

Comme pour la sclérose en plaques et la polyarthrite rhumatoïde, la recherche est très active pour identifier de nouvelles thérapies ciblées. Alors que la cortisone et les immunosuppresseurs agissent de façon très large, l'objectif est d'avoir de nouvelles molécules à action très spécifique.

À ce jour, une seule molécule a obtenu une autorisation de mise sur le marché (AMM) : le belimunab (AC monoclad anti BAFF) cité précédemment. De nombreuses autres molécules sont en évaluation, mais leur efficacité est parfois difficile à démontrer, car le lupus est une maladie polymorphe et complexe. Outre l'hypothèse que ces nouvelles molécules ne seraient pas suffisamment efficaces, les études ont pu être mal orchestrées ou inclure des populations de lupus trop diversifiées. En effet, sachant qu'il existe différentes formes de lupus, certaines molécules pourraient n'être efficaces uniquement que dans des formes cutanées, hématologiques ou articulaires. En conséquence, il serait utile de mener des essais cliniques dans des sous-populations atteintes d'un lupus cutané exclusivement par exemple. Mais, comme il s'agit d'une maladie rare, réunir un nombre suffisant de patients remplissant des critères d'inclusions très spécifiques est difficile... Plusieurs laboratoires échouent à démontrer l'efficacité des molécules théoriquement efficaces.

De nombreuses études chez l'homme sont en cours, avec plusieurs pistes intéressantes, dont celle de l'inhibition de l'interféron. Parmi les autres pistes thérapeutiques, citons la stratégie des inhibiteurs de kinase qui consiste à bloquer la signalisation intracellulaire et la stratégie des modulateurs de l'autophagie (les cellules se débarrassent naturellement de leurs déchets selon un processus appelé autophagie, lequel est anormal dans les maladies auto-immunes).

Enfin, des stratégies d'immunomodulation par les cellules souches (cellules souches mésenchymateuses) dont on connait les propriétés immunomodulatrices sont en cours d'évaluation.

Des stratégies de stimulation des lymphocytes T régulateurs par de faibles doses d'Int -2 sont aussi en test chez l'homme.

La prise en charge du lupus a fait un bond en avant impressionnant en seulement quelques années. Et des avancées considérables sont encore à venir grâce aux nouvelles thérapeutiques ciblées en cours d'expérimentation.

 

Source : e-santé

Isabelle Eustache

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