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Maladies chroniques : Vous êtes patient ? Devenez expert !

Dans les maladies chroniques si répandues comme le diabète, l'insuffisance cardiaque ou rénale, le cancer, des malades formés et qualifiés d'"experts" peuvent être un soutien indispensable auprès de ceux pour qui la maladie est un fardeau quotidien. L'Université des Patients, installée dans les murs de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie dans le 13ème arrondissement de Paris est unique en son genre : elle diplôme les patients afin qu'ils deviennent des " acteurs de santé ", en collaboration avec les équipes soignantes.

Publié le 16/01/18

Qu'est-ce qu'un "patient-expert" dans la maladie chronique ?

Plus de 15 millions de Français, de tout âge, sont concernés par une maladie chronique (Sida, diabète, cancer, sclérose en plaques, maladies inflammatoires chroniques de l'intestin, etc.) soit près de 20 % de la population. Le "patient expert" est un malade chronique comme les autres, mais qui désire aller plus loin dans l'analyse de son expérience, formaliser ses apprentissages et en faire bénéficier la collectivité.

L'Université des Patients, soutenue par l'Université "Pierre et Marie Curie" et logée à la Faculté de médecine du même nom (75013), est une première dans le monde universitaire en France. Ce dispositif pédagogique * du "Patient Expert" créé en 2009 par le Pr Catherine Tourette-Turgis consiste à intégrer dans les parcours universitaires diplômants des personnes malades touchées par une maladie chronique qui désirent étudier, devenir patients experts, formateurs, pédagogues ou patients intervenants en éducation thérapeutique.

Depuis, le concept a fait des émules : la faculté de médecine d'Aix-Marseille, l'université de Grenoble et de prestigieuses universités canadiennes et américaines mais aussi italiennes et brésiliennes s'intéressent à cette initiative innovante qui reconnaît l'expérience et l'expertise des malades.

Pourquoi diplômer des "patients-experts" ?

Vivre la maladie ne donne pas une légitimité de facto à devenir un "patient expert". Une année universitaire ne sera pas de trop pour acquérir des connaissances pédagogiques mais aussi médicales sur les maladies chroniques, sur la psychologie des malades et des soignants, sur les modes de transmission de l'information et des savoirs pratiques comme l'accès aux soins etc. Cela inclut aussi des compétences transversales qui valent pour toutes les maladies chroniques : savoir vivre avec l'incertitude liée à la maladie, communiquer de manière affirmative avec l'entourage, maintenir un haut degré d'estime de soi, une qualité de vie affective et sexuelle, gérer un projet de couple, de grossesse...

Pr Catherine Tourette-Turgis, enseignante-chercheure, directrice du master en éducation thérapeutique à l'UPMC -Sorbonne Universités : « Le "patient expert" n'est pas un soignant mais un acteur de santé au sens large. Il doit pouvoir transformer son expérience personnelle en expérience pour autrui. Cette légitimité du "patient expert" passe par trois conditions : une distance suffisante par rapport à sa maladie, désirer se former et finaliser un projet en éducation thérapeutique, dans l'accompagnement ou la formation ».

Retour sur les bancs de la "fac" avec un objectif bien précis

9h. En ce premier lundi du mois, la promotion 2015-2016 du Diplôme Universitaire "Formation à l'éducation thérapeutique" est au complet. A bien y regarder, ces étudiants ne sont pas comme les autres : ce sont soit des soignants, des paramédicaux, des formateurs mais aussi des malades chroniques pour un tiers d'entre eux. S'ils ont décidé de retourner sur les bancs de la fac, deux jours par mois, c'est pour suivre les enseignements du diplôme universitaire (120 heures) ou des Master 1 et 2 (600h) afin de devenir des "patients experts". Dans cette salle, les aspirations des candidats sont diverses : "sortir de l'isolement social" et "transformer mon expérience en expertise" pour les uns, "me professionnaliser" ou "devenir utile aux autres malades chroniques" pour les autres.

Parmi les 111 patients diplômés depuis la création du diplôme universitaire, il y a eu de belles "success stories" comme la mise en place par certains d'ateliers d'éducation thérapeutique au sein d'hôpitaux ou d'associations. D'autres -une première en France- ont été recrutés pour être coordinateurs d'éducation thérapeutique dans des hôpitaux.

Pr Catherine Tourette-Turgis : « La finalité de ce diplôme est entre autres de "professionnaliser" les malades qui désirent retrouver un emploi dans le champ de l'éducation et de la formation des adultes. Ils deviennent pédagogues, éducateurs thérapeutiques, formateurs, responsables de programmes dans les associations de patients, autoentrepreneurs, animateurs de communautés de malades. Depuis le début de l'aventure, 10 % des étudiants ont trouvé un emploi salarié, 25% sont devenus responsables de programmes d'actions dans leurs associations, 15 % exercent des fonctions de patients intervenants dans les hôpitaux et réseaux de santé, 10 % innovent, inventent des métiers, des fonctions dans le champ de la communication et du Lobbying.

Ceci pour l'aspect "professionnalisation" car il ne faut pas oublier l'autre intérêt de ce diplôme de "patient expert", à savoir la rupture de l'isolement social, souvent vécu par les malades chroniques. Le diplôme est en soi un levier de "resocialisation" et d'amélioration de l'estime de soi ».

Qui peut devenir patient expert ?

En dehors des soignants qui peuvent aussi suivre ces cursus, il est ouvert à toute personne vivant avec une maladie chronique et qui souhaitent pouvoir mobiliser son expérience et en partager les acquis avec la collectivité, dans le champ de la santé et de la formation.

La lettre de motivation pour intégrer les formations est décisive. Un mémoire sanctionne la fin du cursus, qui aura été lui-même jalonné de multiples travaux de recherche, personnels ou en groupe.

Des « patients-experts » témoignent

  • Christelle, atteinte d'une maladie de Crohn et d'une spondylarthrite ankylosante à l'adolescence. Cette "patiente-experte" a suivi le diplôme universitaire puis le cursus en deux ans du Master par le biais de l'association François Aupetit où elle occupait des fonctions de salariée. Elle a souhaité travailler dans le domaine de l'éducation thérapeutique, en créant tout d'abord un organisme de formation puis en tant que coordinatrice en Education Thérapeutique au CHU d'Angers en CDI.
  • Saadia est une "patiente-experte", diabétique et kinésithérapeute. « J'ai suivi cette formation parce que je suis persuadée que mon parcours médical vis à vis du diabète peut aider des gens, peut servir de support à un discours d'accompagnement ou de découverte. Mon projet, en suivant cette formation, était de jouer sur ces deux facettes : faire bouger ma profession de kinésithérapeute, un métier où l'éducation thérapeutique est très mal comprise, et faire partager mon expérience personnelle, l'une se nourrissant de l'autre. »

Pour en savoir plus : www.universitedespatients.org

Source : e-santé

Hélène Joubert, journaliste scientifique

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