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Le jeûne thérapeutique, bénéfique ou risqué ?

Au-delà d’être un moyen de se « purifier », le jeûne, qu’il soit strict ou intermittent, s’impose dans le grand public peu à peu comme un moyen de se soigner. Mais que dit la Science ?

Publié le 18/05/18

Le jeûne, quels bénéfices ?

Il existe différents types de jeûne. L’on peut se priver de nourriture de façon complète lorsque seule l’eau est autorisée, partiellement (certains aliments, nutriments ou boissons sont permis) ou de façon intermittente. Dans ce cas, une alimentation normale est entrecoupée de périodes de jeûne.

Les motivations pour jeûner sont diverses. Certains recherchent la sensation de maîtrise de leur corps, de bien-être et d’euphorie. Via la production accrue de corps cétoniques, le jeûne entraîne une stimulation intellectuelle, une impression de dynamisme. C’est une régulation physiologique habituelle d’adaptation à la famine, qui ne dure que quelques jours. Le jeûne agirait aussi comme un anti-inflammatoire en produisant un surplus de BHB (β-hydroxybutyrate), un corps cétogène. D’où son intérêt –encore à démontrer- pour bloquer une partie du système immunitaire impliqué dans plusieurs désordres inflammatoires.

Quant au jeûne pour perdre du poids, après un excès alimentaire, il doit être ponctuel et court. Sinon, en réduisant drastiquement les apports énergétiques par rapport au métabolisme de base du fait de la fonte musculaire favorise en premier lieu un stockage adipeux (de lipides) lors de la reprise de l’alimentation.

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Dr Bruno Raynard, responsable de l’Unité transversale de diététique et de nutrition de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) et coordinateur du rapport d’expertise collective « Jeûne, régimes restrictifs et cancer » du réseau NACRe (Inserm) fin 2017 : « Supprimer tout apport alimentaire va, de façon logique et transitoire par la perte de poids, améliorer une hypertension artérielle, un diabète. Dans des maladies inflammatoires intestinales (MICI), la mise au repos du tractus digestif peut être utile en réduisant les troubles digestifs à type de diarrhée ou de douleurs abdominales. Certains patients rapportent leur ressenti telle une amélioration de leurs rhumatismes, de leurs problèmes cutanés, de leurs migraines etc. A titre individuel, la thérapeutique « jeûne » pourrait bénéficier à certains patients, dans le cadre de maladies rhumatismales, de diabète ou d’autres problèmes infectieux etc. c’est-à-dire avec une amélioration plus importante ou plus rapide de certains paramètres, ou encore le fait de diminuer les doses voire de se passer d’un médicament. Néanmoins, le jeûne n’est pas une méthode thérapeutique car soutenue par aucune étude scientifique valable ».

Faut-il jeûner contre le cancer ?

L’engouement pour le jeûne est grandissant dans le cancer. 8% des patients avant ou pendant le traitement du cancer suivent un régime de restriction ou un jeûne. En mettant les points sur les i, la conclusion du rapport d’expertise collective « Jeûne, régimes restrictifs et cancer » du réseau NACRe (Inserm) fin 2017 est sans appel : aucune preuve n’existe quant à l’effet -bénéfique ou délétère- du jeûne et des régimes restrictifs pendant la maladie cancéreuse, qu’il s’agisse d’un effet sur l’efficacité des anticancéreux ou sur le pronostic du cancer. A ce jour, aucune donnée expérimentale n’a été confirmée chez l’Homme. Chez la souris dans des études expérimentales, la restriction calorique freine la croissance des tumeurs, mais pas pour tous les types de cancers.

Pr Christophe Moinard (Université de Grenoble et laboratoire de Bioénergétique Fondamentale et Appliquée, INSERM U 1055) : « A ce jour, il est impossible de relier la croissance des cellules cancéreuses avec le niveau d’apport en nutriments : jeuner n’affame pas les tumeurs ! Le concept est intéressant mais il reste à valider ».

Attention car à l’inverse, la malnutrition et la perte de poids sont reconnues comme des facteurs majeurs de dégradation du pronostic des personnes cancéreuses. Il est prouvé que plus on perd de masse musculaire, moins on a de chance d’avoir un traitement efficace et non toxique.

On entend aussi souvent que le jeûne permettrait d’atténuer les effets de la chimiothérapie. Là aussi, aucune étude scientifique ne permet de l’affirmer. Celles menées sur des cellules tumorales en milieu de culture privé de nutriments sont mitigées : ce qui vaut pour certains types de tumeur (mélanome) ne vaut pas pour d’autres (cancer du sein). Et chez la souris, à l’inverse, le jeûne juste avant une chimiothérapie réduit drastiquement l’espérance de vie (le type de cancer étudié est le neuroblastome, un cancer de l’enfant). Chez l’humain, les essais cliniques se comptent sur les doigts d’une main et sont, pour la plupart, contestables sur le plan de la méthodologie. L’un d’entre eux ne coupe pas à ces critiques mais reste instructif : chez des femmes ayant un cancer du sein ayant jeuné 24 h auparavant, la toxicité de la chimiothérapie semble moindre (évaluée au moyen du taux de globules rouges), mais les effets indésirables sont doublés.

J’ai décidé de jeûner, que dois-je surveiller pour ne pas nuire à ma santé ?

Nos cellules immunitaires (lymphocytes, macrophages etc.) nécessitent un apport régulier en nutriments. C’est pourquoi, l’efficacité de notre système immunitaire à nous défendre, par exemple contre les tumeurs, est largement dépendante de l’apport alimentaire. Or jeûner l’affaiblit. L’autre paramètre à prendre en compte lorsqu’on envisage le jeûne en cas de cancer est que ce dernier touche principalement la personne âgée (40% chez les plus de 75 ans), dont le système immunitaire met plus de temps - lorsqu’il y arrive- à se reconstituer. Le danger concerne les seniors mais aussi les personnes diabétiques sous traitement ; le risque de l’hypoglycémie d’une personne diabétique par défaut d’apport glucidique étant bien réel.

Si une personne malade souhaite jeûner ou pratiquer une réduction glucido-calorique, elle doit avant tout ne pas écarter les thérapeutiques conventionnelles et en parler à son médecin généraliste ou à son oncologue en cas de cancer. Celui-ci devrait l’accompagner et mettre en place une surveillance adaptée et régulière, un contrat avec des limites fixées et discutées avec le patient comme par exemple des seuils en dessous desquels il ne faut pas descendre vis-à-vis de la force musculaire, du poids, de la masse musculaire etc. Certains marqueurs biologiques peuvent être utilisés à cette intention.

Hélène Joubert, journaliste, depuis les Journées francophones de nutrition (JFN, Nantes, 13-15 décembre 2017) et d’après des entretiens avec le Dr Bruno Raynard, responsable de l’Unité transversale de diététique et de nutrition de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif) et le Pr Christophe Moinard (Université de Grenoble et laboratoire de Bioénergétique Fondamentale et Appliquée, INSERM U 1055).

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