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Reflux gastro-œsophagien : les points sur les « I »

Publié le 06/02/18

10 % au moins de la population souffre très régulièrement de reflux gastro-?sophagien (RGO). A cause d’un dysfonctionnement de la partie inférieure de l’?sophage, le suc gastrique très acide s’échappe de l’estomac et remonte le conduit ?sophagien. Avec à la clé, brûlures d’estomac (pyrosis), douleurs thoraciques, inflammation des muqueuses (?sophagite) voire cancer de l’?sophage. Le Pr Frank Zerbib, service d’Hépato-gastro-entérologie et oncologie digestive (CHU de Bordeaux) rétablit quelques vérités sur le RGO.

 

RGO, un régime alimentaire strict n’est pas nécessaire

Beaucoup d’idées fausses circulent concernant les régimes alimentaires dans le RGO : rôle des agrumes, du vinaigre, du chocolat, du café etc. En réalité, aucun régime alimentaire ne s’est avéré efficace dans le RGO. Aucun aliment particulier n’a pu non plus être incriminé dans la survenue ou l’aggravation de symptômes de RGO. Les seuls conseils nutritionnels utiles relèvent du bon sens :

  • Eviter les repas trop gras et trop abondants.
  • Eviter de se coucher trop précocement après la fin d’un repas, en particulier le soir (laisser un délai d’au moins 2 heures, si possible).
  • Perdre du poids (la prise de poids est un facteur aggravant du reflux).
  • Supprimer les aliments qui ont été identifiés par chaque individu comme pouvant générer des troubles (vin blanc etc.).

Cancer de l’?sophage, un risque exagéré

Le RGO peut être à l’origine de cancers de l’?sophage (adénocarcinome). Néanmoins, ce risque est extrêmement faible. Il ne survient qu’après de longues années d’un reflux sévère responsable de lésions de la muqueuse de l’?sophage (« muqueuse de Barrett » ou « endobrachyoesophage »), présentes chez 10% des personnes avec RGO. Et même en cas de muqueuse de Barrett, le cancer ne se développe qu’après de nombreuses années. Ces lésions sont repérées lors d’une endoscopie (exploration de l'intérieur de l’organisme en y introduisant un tube souple) et nécessitent la réalisation de prélèvements par biopsies pour confirmation. Ce risque de cancer -même minime- justifie cependant la réalisation d’au moins une fibroscopie dans la vie d’un patient souffrant de reflux, plutôt après l’âge de 50 ans. En l’absence de muqueuse de Barrett, le risque étant nul, il n’est pas nécessaire de multiplier les endoscopies. Si cette muqueuse est présente, un risque -faible- existe. Des endoscopies répétées (tous les 3 à 5 ans selon les cas) sont alors nécessaires pour vérifier l’absence de dysplasie. Une dysplasie n’est pas encore un cancer mais une première étape vers ce qui pourrait le devenir.

Utilisés à bon escient, les médicaments IPP sont sûrs

Les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont des médicaments qui réduisent fortement la production d’acide par l’estomac. Ils ont révolutionné le traitement des maladies liées à cette acidité comme l’ulcère gastroduodénal et le RGO. Ils sont très bien tolérés et utilisés depuis trente ans dans tous les pays du monde. Au cours des dernières années, plusieurs effets secondaires ont été rapportés comme étant possiblement en rapport avec les IPP et leur effet sur la sécrétion acide : ostéoporose, problèmes cardio-vasculaires, insuffisance rénale, carences vitaminiques, risques accrus d’infections gastro-intestinales et pulmonaires. Les données scientifiques sont contradictoires, à l’exception des infections intestinales où le risque est avéré, mais faible. Néanmoins, le bénéfice lié au traitement est très largement supérieur au risque éventuel, non démontré, qu’il pourrait faire courir. La prudence d’utilisation des IPP s’impose chez les personnes fragiles, âgées ou hospitalisées. Mais même dans cette situation, en cas de nécessité (ulcère par exemple), les IPP peuvent être utilisés sans arrière-pensée. Le problème est que beaucoup de patients prennent des IPP sans même savoir pourquoi?

Hernie hiatale et RGO ne sont pas synonymes

La hernie hiatale est une anomalie anatomique qui correspond au passage d’une partie de la portion haute de l’estomac dans le thorax, réalisant une sorte de « poche » dans laquelle l’acide produit par l’estomac est piégé. Il pourra ainsi remonter plus facilement vers l’?sophage, créant un reflux gastro-?sophagien. On peut avoir une hernie hiatale sans reflux et un reflux sans hernie hiatale. Elle ne représente qu’un facteur aggravant ou favorisant le RGO ; sa présence n’est ni nécessaire ni suffisante pour avoir un reflux. Lorsqu’une fibroscopie est effectuée, la présence d’une hernie hiatale peut être décelée. Mais sa présence varie parfois d’un examen à l’autre, ce qui intrigue beaucoup les patients. C’est normal : la hernie correspond à une mobilité anormale de la jonction entre l’estomac et l’?sophage et elle peut donc être intermittente. Elle est souvent totalement indépendante des symptômes de RGO.

Le rôle du RGO est surestimé dans les manifestations ORL ou respiratoires

Les symptômes ORL (oto-rhino-laryngologie) sont courants dans la population : raclement de gorge, enrouement, brûlures de gorge, sensation de corps étranger, écoulements postérieurs etc?Ils sont parfois le signe de maladies graves comme des cancers. En l’absence de lésion grave, d’exposition à des toxiques (tabac, alcool), d’infection (sinusite) ou d’allergie respiratoire, le reflux gastro-?sophagien est souvent incriminé. Ce peut être effectivement le cas, principalement en présence de brûlures d’estomac ou d’aigreurs témoignant d’un authentique RGO. Si ces signes sont absents, cette hypothèse est beaucoup plus discutable. Le traitement d’un éventuel RGO par IPP s’avère alors rarement efficace et les explorations plus sophistiquées telles que la pHmétrie (qui mesure les remontées acides à l’aide d’une petite sonde) sont le plus souvent négatives. Le rôle du reflux dans ces symptômes ORL est largement surestimé, avec comme conséquence des traitements prolongés par IPP non justifiés. Reste que l’origine de ces symptômes n’est pas claire. Une hypothèse, non encore démontrée, serait une muqueuse pharyngée trop sensible à certaines particules comme celles retrouvées dans l’air de nos grandes villes.

 

Marion Garteiser, journaliste santé

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