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Vaccins, les questions à l’heure du retour de l’obligation vaccinale

Publié le 06/11/17

Alors que les vaccins traversent une crise de confiance, l’intérêt et la légitimité de l’obligation vaccinale alimentent un vif débat. C’est cependant désormais tranché, onze vaccins seront obligatoires chez l’enfant contre trois actuellement à partir du 1er janvier 2018. Le point sur les vaccins, pour se rafraîchir la mémoire. Par Hélène Joubert, journaliste scientifique.
 

Au 1er janvier, 11 vaccins obligatoires

Actuellement, seuls trois vaccins sont obligatoires en France, contre la diphtérie, le tétanos et la poliomyélite (DTP). A partir du 1er janvier 2018, la liste s’allongera de huit autres : coqueluche, rougeole, oreillons, rubéole, hépatite B, Haemophilus influenzae, pneumocoque, méningocoque C.

Déroger à cette obligation expose, en théorie, à six mois de prison et 3750 euros d’amende (article L3116-4 du code de la santé publique). Mais à la coercition, la ministre Agnès Buzyn, préfère convaincre : « l’idée est que les 15% des enfants [non vaccinés, ndlr] qui mettent en danger les autres et qui favorisent la réémergence d’épidémies pour lesquelles il y a des morts aujourd’hui se mettent en ordre de marche pour protéger le reste de la population ». A priori, il n’y aura pas de clause d’exemption pour conviction antivaccinnale des parents. Aux USA, cette clause existe, mais en contrepartie, les parents s’engagent par écrit à en assumer les conséquences, c’est à dire d’endosser toutes la responsabilité si leur enfant en contamine un autre et le priver de toute présence en collectivité.
Les contre-indications médicales à la vaccination sont peu fréquentes : une allergie avérée, une hypersensibilité à l'une des protéines du vaccin ou des troubles neurologiques lors d’une précédente piqûre mais aussi des antécédents familiaux de maladie auto-immune (sclérose en plaques, diabète de type 1, maladie de Crohn) et dans le cas du ROR (rougeole-oreillons-rubéole) des déficits héréditaires (thrombophilie etc.).
 

Pourquoi une défiance vis-à-vis des vaccins ?

La vaccination apprend à notre système immunitaire à lutter contre une maladie infectieuse, potentiellement mortelle. Le vaccin fait croire à notre organisme qu’il a été infecté par un agent infectieux pour qu’il développe une réponse protectrice.
La défiance envers les vaccins grandit depuis une quinzaine d’années. Chaque pays a sa bête noire. En France, c’est le vaccin contre l’hépatite B chez l’adolescent qui a cristallisé les peurs. La Haute Autorité de Santé l’a dédouané en 2016 dans un avis fondé sur les preuves scientifiques : il n’est pas responsable de cas de sclérose en plaque. En 2009 en France, des cas de narcolepsie ont été associés à l’utilisation du vaccin H1N1, avec un risque inférieur à un cas pour 150 000 vaccinés. Le vaccin contre la fièvre jaune est pour sa part responsable d’encéphalites aigües (1/1 million de vaccinés).
 

Quid des adjuvants comme l’aluminium ?

Les rumeurs sont tenaces dans le domaine des adjuvants, ces composés chimiques dont le rôle est de mobiliser les cellules qui participent à la mise en place de la réponse immunitaire. L’hydroxyde d’aluminium (dans le vaccin DTPolio) ou les dérivés des squalènes (dans le vaccin anti-papillomavirus) ont été pointés du doigt, accusés de favoriser des maladies mal définies, et dont le lien de cause à effet n’a pas encore été trouvé.

Pr Bruno Lina, virologue, chercheur et Directeur du Laboratoire de Virologie Pathologie Humaine VIRPATH (Lyon) : « Certaines personnes accusent l’aluminium dans l’apparition de la myofasciite à macrophages (syndrome qui entraîne douleurs musculaires, articulaires, fatigue et troubles cognitifs). Il s’agit d’une entité assez complexe et très « française » (95% des 445 cas recensés depuis 20 ans dans le monde sont français). En mars 2016, l’Académie nationale de pharmacie a conclu après des années de recherche à l’absence de lien entre ces symptômes et les adjuvants aluminiques ».
 

Ne pas se faire vacciner, c’est risqué ?

Ce choix doit être éclairé car refuser la vaccination c’est prendre le risque d’être infecté par des maladies graves et évitables par la vaccination. Certains pensent aujourd’hui que ces maladies ne sont pas graves. Mais c’est justement grâce à l’immunité collective que ces maladies ne sont plus ni graves ni mortelles. On a la mémoire courte. Les épidémies massives, même celles du 20ème siècle, comme celles de poliomyélite paraissent loin alors qu’elles ont à leur actif des milliers de morts au début et à la fin de la 2nde guerre mondiale.

A la rigueur, ce choix de ne pas se faire vacciner n’engage que les personnes elles-mêmes lorsque les agents infections ne sont pas transmissibles d’homme à homme comme celui du tétanos. C’est sans compter le coût pour la société de 3 à 6 semaines passées en réanimation pour un tétanos.
Mais la liberté individuelle s’arrête là. Pour de nombreuses autres maladies (diphtérie, rougeole etc.) on engage aussi la santé des autres et refusant de se faire vacciner.
En effet, plus le nombre de personnes non vaccinées augmente, plus le risque de réapparition de la maladie est grand. L’"immunité de groupe" permet de protéger les plus faibles et d’éviter la résurgence de fléaux.

Pr Bruno Lina : « Si moins de 40% des gens sont vaccinés, l’ensemble de la population se trouve exposée à la résurgence de grandes maladies infectieuses. Pour certains agents infectieux, ce taux de couverture vaccinal doit même être de plus 90% de la population (rougeole etc.) ! Les exemples sont malheureusement nombreux et d’actualité. En Espagne en 2015, 40 ans après sa disparition, la diphtérie est réapparue faisant plusieurs morts. Certaines personnes volontairement non vaccinées ont été infectées. Elles ont diffusé la maladie à celles qui n’étaient pas correctement vaccinées. A Londres, des rumeurs sur le vaccin rougeole a fait que le taux de vaccination s’est effondré, les conséquences ne se sont pas faites attendre. La France a aussi connu entre 2008 et 2012 plusieurs vagues d'épidémies de rougeole, provoquant 23 000 cas dont 15 000 pour la seule année 2011. De nos jours, des foyers de poliomyélite resurgissent dans les zones de conflit en Afghanistan, au Pakistan, en Syrie et en Ukraine. Dès que l’on baisse la garde, ce virus très contagieux repart de plus belle ».
 

Se faire vacciner, c’est pour soi ou pour les autres ?

Les deux. Grâce à la vaccination, la variole a été éradiquée et la poliomyélite sera bientôt éliminée. D’autres infections restent à l’affut mais la vaccination permet de contenir les épidémies ; c’est le cas de la diphtérie, du tétanos, de la tuberculose et de la rougeole. Du côté des infections bactériennes, le chemin est encore long. En effet, les méningites bactériennes tuent encore 170 000 personnes dans le monde. Mais grâce à la vaccination, les méningites dues à Haemophilus influenzae b ont quasiment disparu. La vaccination contre le pneumocoque a réduit considérablement le nombre d’infections invasives à pneumocoque chez les moins de 5 ans. En revanche, celle contre le méningocoque C recommandée depuis 2010 chez les 1 à 24 ans ne décolle pas. En conséquence, l’augmentation des méningites à méningocoque C chez les personnes non vaccinées en France, preuve que l’immunité de groupe est encore insuffisante. Cela met en danger les moins de 1 an qui ne peuvent être vaccinés car trop jeunes.

D’après un entretien avec le Pr Bruno Lina, virologue, chercheur et Directeur du Laboratoire de Virologie Pathologie Humaine VIRPATH (Lyon)

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