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Problèmes de thyroïde : quand faut-il s’inquiéter ?

Publié le 18/08/15

Fatigue, prise de poids, constipation… Nombre de maux d’apparence banale peuvent être les signes d’un dysfonctionnement de la thyroïde. Zoom sur les symptômes qui doivent vous conduire à consulter avec le Pr Jean-Louis Wémeau, chef du service d’endocrinologie du CHRU de Lille.

Votre gorge abrite un papillon étonnant, juste en dessous de la pomme d’Adam. En réalité, à cet emplacement se trouve la thyroïde, dont la forme évoque en effet un lépidoptère aux ailes déployées. Petite, cette glande endocrine, qui pèse une vingtaine de grammes, n’en régit pas moins tout l’organisme. Sa mission ? Secréter des hormones et, plus particulièrement, la triiodothyronine (dite T3) et la thyroxine (T4). Ensemble, ces hormones thyroïdiennes sont essentielles au bon équilibre de notre métabolisme.

« Elles jouent un triple rôle, explique le Pr Jean-Louis Wémeau, chef du service d’endocrinologie du CHRU de Lille. D’abord, elles maintiennent la production de chaleur. De ce point de vue, la thyroïde est un peu le thermostat de l’organisme. Les hormones sont également indispensables à la croissance. Enfin, elles régulent l’activité des tissus et des organes. » Revers de la médaille, lorsque la machine se dérègle et que la thyroïde fonctionne trop peu ou, au contraire, s’emballe, les conséquences peuvent être nombreuses et prendre des formes aussi banales que variées.

Du froid au chaud

Lorsqu’elle tourne en sous-régime, on parle d’hypothyroïdie. La production d’hormones diminue, voire cesse totalement. Si ce phénomène ne s’accompagne pas toujours de symptômes, certaines manifestations peuvent toutefois mettre la puce à l’oreille. « Avec l’hypothyroïdie, l’organisme fonctionne au ralenti, souligne le Pr Wémeau. Les systèmes cardiaque et digestif sont surtout affectés, ce qui se traduit par de la bradycardie (rythme cardiaque trop lent, ndlr) et de la constipation. » La fatigue s’installe, la motivation vient à manquer, la mémoire nous trahit… Bref, il faut davantage de temps pour effectuer des tâches quotidiennes. Même la libido peut en prendre un coup. La peau peut également changer d’aspect : elle s’assèche, s’épaissit et devient pâle. Et ce n’est pas tout : « Les gens ont souvent froid, se plaignent de crampes, grossissent un peu et voient leur taux de cholestérol augmenter alors qu’ils ne modifient pas leur régime alimentaire », indique l’endocrinologue.

À l’inverse, quand la thyroïde s’emballe, tout s’accélère dans notre corps. Là encore, les manifestations du dérèglement ne sont pas systématiques. Mais lorsqu’elles existent, elles prennent, en quelque sorte, le contre-pied de celles de l’hypothyroïdie. « La peau est chaude, d’ailleurs vous avez toujours chaud, votre coeur bat trop vite, vous maigrissez et souffrez de diarrhées », résume le Pr Wémeau. D’autres signes sont parfois révélateurs. Il peut en effet arriver que l’hyperthyroïdie modifie le comportement. Stress, irritabilité, nervosité ou hyperactivité sont même fréquents quand la sécrétion d’hormones thyroïdiennes passe dans le rouge. Vous êtes alors clairement en surrégime.

Prises de sang et imagerie

Au vu de la diversité de ces signaux, pas facile d’incriminer la thyroïde avec certitude. C’est pourquoi, il est recommandé de consulter son médecin traitant quand ces désordres se manifestent. Si celui-ci soupçonne un problème thyroïdien, il commencera par palper la glande suspecte pour en vérifier le volume et la régularité. Trop grosse, elle révèle un goitre. Une surface irrégulière et bosselée signifie, quant à elle, la présence de nodules, des excroissances qui sécrètent parfois des hormones.

Le praticien prescrira ensuite une prise de sang afin de doser la TSH, l’hormone produite par l’hypophyse pour réguler l’activité de la thyroïde. Le taux est faible ? Hyperthyroïdie en vue. Trop élevé ? Hypothyroïdie assurée. Souvent, un second examen sanguin est souhaitable pour affiner le diagnostic, notamment en ce qui concerne le dosage des hormones secrétées par la thyroïde. Dans la plupart des cas, ces analyses sont suffisantes pour affirmer l’existence d’un désordre thyroïdien. Mais il peut être parfois nécessaire d’en passer par un dosage d’anticorps, une échographie ou, parfois, par une scintigraphie pour évaluer, par exemple, la présence de nodules.

Des traitements efficaces

Si le diagnostic confirme une hypothyroïdie, le traitement visera à compenser le travail que ne fournit plus la thyroïde. « On prescrit de l’hormone T4 – la même que celle produite par la thyroïde – d’action douce et lente, indique le Pr Wémeau. Avec une prise quotidienne correctement dosée, le taux de TSH se normalise. Quand on a trouvé le bon dosage, on ne le change plus. Il suffit de vérifier tous les ans que le taux de TSH reste stable. »

Inversement, en cas d’hyperthyroïdie, l’objectif est de freiner la surproduction d’hormones. Le traitement, cette fois, n’est pas à vie. La prescription court sur plusieurs mois. Dans environ 60 %, les médicaments permettent de guérir. En cas d’échec, le recours passera par un traitement à base d’iode radioactif ou par une intervention chirurgicale. Selon l’option retenue, il s’agit de détruire ou de retirer tout ou partie de la glande pour contrecarrer son emballement. Néanmoins, si le patient est difficilement opérable (sujet âgé, par exemple), des antithyroïdiens de synthèse pourront être utilisés.

Avis d’expert

Nodules : pas d’opération systématique Pour limiter le nombre d’ablations de la thyroïde consécutives à la découverte de nodules, les spécialistes recommandent de n’intervenir que sur les nodules cancéreux qui semblent inquiétants. On peut raisonnablement les reconnaître sur les données de l’examen clinique, de l’échographie ou, si nécessaire, après une biopsie. « Dans tous les cas, il est inutile d’évaluer les nodules les plus petits, mieux vaut repérer ceux qui dépassent 1 cm », assure le Pr Jean- Louis Wémeau.

1 à 2% de la population souffrirait d’hypothyroïdie. Même fourchette en ce qui concerne l’hyperthyroïdie.