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La dépression, une authentique maladie

Publié le 21/07/15

La dépression touche plus de 3 millions de personnes en France. Maladie de plus en plus répandue, elle reste paradoxalement mal connue. Et la honte conduit encore trop souvent ceux qui en souffrent à taire leur mal-être. Or des solutions existent. Éclairage avec le Dr Christine Mirabel-Sarron, psychiatre.

Il ne suffit pas de ressentir un « coup de déprime » ou d’avoir des moments de « blues » pour se dire dépressif. La dépression est une véritable maladie dont les symptômes sont connus. « Ce qui la distingue de la simple déprime, c’est tout d’abord la durée du mal-être, souligne le Dr Christine Mirabel-Sarron, psychiatre. Une vraie dépression dure au minimum trois semaines, elle s’accompagne de pensées négatives, d’un ralentissement psychomoteur, ce qui se traduit par des troubles de l’attention ou de la concentration, et par une dégradation de l’appétit et du sommeil. » En clair, la personne est en rupture complète avec son fonctionnement habituel. Toutes ces manifestations, Perrine, 39 ans, les connaît bien. En 2007, elle a fait une grave dépression. « Dans les pires moments, je me sentais horriblement mal, je n’avais envie de rien, pas même de me laver ou de manger. Je n’arrivais plus à penser, plus rien n’avait de sens », se souvient-elle.

Une maladie qu’on cache

Comme Perrine, de nombreux Français sont touchés par des épisodes dépressifs majeurs. Pourtant, rares sont ceux qui osent en parler. « La dépression est souvent vécue comme une maladie honteuse, poursuit le Dr Mirabel-Sarron. Les personnes se disent qu’elles sont incapables et ces pensées négatives génèrent en elles du désespoir. Leurs proches ont beau essayer de les rassurer, elles ne les croient pas. » Toutefois, l’entourage ne doit pas se décourager, car « sans son aide, les personnes dépressives auront beaucoup de mal à consulter ». Même parfaitement identifiée, la dépression peut prendre plusieurs visages. Les causes sont également très variables d’un individu à l’autre. Et la survenue d’un épisode dépressif n’est pas forcément liée à un traumatisme particulier. Mais, souligne la psychiatre, « il ne survient pas non plus par hasard ». « Pour résumer, reprend-elle, on pourrait dire qu’il y a des contextes de vie favorisants ou, en tout cas, une accumulation d’événements de vie, propres à chacun, qui peut déclencher la dépression. »

Accepter de se soigner

Une chose est sûre : il serait illusoire de penser guérir seul de cette maladie. Non soignée, la dépression s’aggrave, les idées noires se bousculent et la personne ne souhaite tout simplement plus vivre. « J’ai pensé au pire, reconnaît Perrine. J’habitais au neuvième étage d’un immeuble et j’avais des pulsions… Par moments, je voulais sauter pour être soulagée, pour que ma souffrance prenne fin. La seule chose qui m’en a empêchée, c’est que je ne voulais pas faire de mal aux gens qui m’aiment. » Sur les 10 400 suicides annuels recensés, 70 % sont dus à la dépression. Dès les premiers symptômes, il faut donc consulter en urgence son médecin généraliste, qui vous redirigera, si besoin, vers un psychiatre. Une fois la souffrance nommée et reconnue, le chemin semble un peu moins solitaire. « C’est mon mari qui m’a secouée et sauvée, confie Perrine. Son soutien m’a donné la force de voir un médecin, puis de participer à des groupes de parole dans un centre médico-psychologique. Parler m‘a beaucoup aidée à comprendre pourquoi j’en étais arrivée là. »

Pas de fatalité

Comme toute maladie, la dépression se soigne dans un premier temps avec des médicaments. « L’antidépresseur est une étape obligée dans le traitement de la dépression, insiste le Dr Mirabel-Sarron. Il faut balayer les idées reçues : l’antidépresseur ne génère aucune dépendance, contrairement aux anxiolytiques. Et il est efficace à condition que le patient prenne son traitement de manière régulière. » Les études le montrent : la première prescription a 70 % de chances de guérir le patient. Encore faut-il que l’antidépresseur ait été prescrit à la bonne dose et que le traitement soit appliqué à la lettre. Or un patient sur deux ne respecte pas l’observance de son traitement, concluant à son inutilité ! Les autorités de santé sont pourtant claires : la durée de traitement recommandée est de six mois à partir du moment où l’on va mieux. En outre, il faut compter quinze jours avant que le médicament ne commence à faire effet. Lorsque les symptômes sont surmontés, c’est au médecin – et à lui seul – que revient la responsabilité de diminuer progressivement les doses jusqu’à l’arrêt complet.

Prévenir les rechutes

La moitié des patients ne connaîtront qu’un épisode dépressif dans leur existence. Pour tous les autres, la dépression peut revenir par cycles, en fonction de l’évolution de la situation familiale, sociale ou des événements stressants de l’existence. Pour éviter que ces patients ne soient sous antidépresseurs toute leur vie, la prise en charge psychologique est de plus en plus reconnue dans le traitement de la dépression. Les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont démontré leur efficacité dans l’accélération de la rémission clinique et la prévention des rechutes. Grâce à cette approche, le patient apprend à mettre à distance ses pensées négatives. Conséquence, il obtient un soulagement émotionnel et récupère une certaine autonomie. Toutefois, comme le note le Dr Mirabel-Sarron, il est important de faire le point une fois la dépression surmontée. Une consultation régulière tous les trois mois reste recommandée pour identifier les fragilités qui pourraient encore subsister.

Avis d’expert

Qui est concerné ? « Tout le monde peut souffrir de dépression, quels que soient l’âge, la profession ou le niveau socio-culturel. En revanche, il est prouvé que les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. L’une des raisons pourrait être leur plus grande précarité sociale. » Dr Christine Mirabel-Sarron, psychiatre.

en savoir plus : Apprendre à soigner les dépressions, Christine Mirabel-Sarron, éd. Dunod.