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Tout savoir sur la phytothérapie en dix questions

Publié le 18/06/18

L’engouement pour la phytothérapie est de plus en plus marqué. Cette médecine fondée sur les extraits de plantes et les principes actifs naturels est pourtant encore mal cernée par le grand public.

Combien de plantes comporte la pharmacopée en France ?

En juin 2014 est enfin paru au Journal Officiel le premier inventaire « officiel » listant 540 plantes libres d’accès sur le marché en France et pouvant être exploitées dans la pharmacopée*. Les plantes sont une source majeure de médicaments, soit parce que leurs constituants sont de précieux principes actifs, soit parce que les chimistes savent modifier la structure de certains de ces principes pour les rendre moins toxiques, voire pour accentuer leur efficacité. Un quart des médicaments utilisés aujourd’hui est issu des plantes, directement ou après une modification chimique de la molécule naturelle. L’aspirine, des médicaments contre les problèmes de rythme cardiaque ou de puissants immunosuppresseurs (ciclosporine issue d’un lichen des hauts plateaux de Norvège) et anticancéreux (paclitaxel ou taxol à partir de l’écorce de l’if), des analgésiques (capsaïcine extraite du piment genre Capsicum)... de nombreux médicaments très utilisés aujourd’hui sont issus des plantes. Et donneront les médicaments du futur. D’autres anticancéreux, anti-infectieux sont à l’étude ainsi que des molécules en neurologie, dans les maladies cardiovasculaires et digestives.

Les plantes sont-elles des compléments alimentaires ?

Les plantes répertoriées dans la liste parue au Journal Officiel en 2014 sont autorisées dans la composition de « compléments alimentaires » et ne sont pas soumises à une vente dans le cadre d’un circuit pharmaceutique. Pour 73 d’entre elles – en particulier celles qui ont des propriétés laxatives/purgatives – des restrictions spécifiques existent, notamment concernant la vente aux femmes enceintes et aux enfants. Ces plantes ne peuvent revendiquer un effet thérapeutique, mais uniquement nutritionnel (apport en vitamines et minéraux par ex.) ou physiologique (stimulant pour la caféine par ex.).

Qu’est-ce qu’un phytomédicament ?

Ces plantes qualifiées de « compléments alimentaires » ne peuvent donc pas afficher une allégation « santé » contrairement à certains médicaments à base de plantes appelés « phytomédicaments ». Ces derniers peuvent, eux, prétendre à un effet thérapeutique, à la condition de l’avoir démontré dans le cadre de la procédure d’Autorisation de Mise sur le Marché comme exigé pour tout médicament. Celle-ci est néanmoins un peu plus allégée puisque la reconnaissance ancestrale des vertus santé dispense les produits de phytothérapie d’essais cliniques (essais conduits chez l’homme).

Pr François Chast, pharmacien des hôpitaux et président honoraire de l’Académie Nationale de Pharmacie : « Les phytomédicaments se présentent sous la forme de l’usage pharmaceutique, par exemple des gélules étiquetées « hypnotiques », « laxatives » ou « tranquillisantes », revendiquant un effet thérapeutique et contenant des molécules (principes actifs) issues de la plante. Ils offrent alors les mêmes garanties que tout médicament : efficacité, sécurité, qualité. »

Peut-on prendre la phytothérapie seule ?

Dans certains cas, les plantes peuvent être des alternatives aux médicaments, dans les problèmes de sommeil et de dépression, entre autres. Par exemple, la valériane dans les insomnies du sujet âgé où un grand nombre de médicaments (benzodiazépines) sont dangereuses chez ces personnes fragiles. Certaines huiles essentielles ont montré leur efficacité dans les troubles du sommeil, la douleur (citrus, menthe, matricaire, badiane), d’autres dans les infections des voies respiratoires (eucalyptus, lavande, pin de Sibérie, girofle, myrte) ou comme antiseptiques locaux (niaouli, thym).

La phytothérapie peut-elle remplacer la médecine allopathique ?

Il n’est cependant pas envisageable de soigner le cancer, les maladies cardiovasculaires ou le diabète avec les plantes. Même si elles s’avèrent intéressantes en complément d’un traitement allopathique, c’est-à-dire au moyen de médicaments.

Pr François Chast : « À l’état « brut », naturel, les plantes n’ont d’ailleurs que peu, sinon pas du tout, d’efficacité thérapeutique. On aurait beau ingérer des fleurs de pervenche, de l’écorce de quinquina, ou une colonie de champignon microscopique comme le Penicillium, la maladie subsisterait inexorablement. C’est seulement l’extraction des principes actifs et leur mise en forme pharmaceutique, avec un dosage précis et une surveillance rigoureuse de leurs effets, qui leur confère une valeur thérapeutique. La digitale a donné le médicament digitaline, employé dans les troubles du rythme cardiaque. Mais il est impensable de traiter les troubles du rythme cardiaque efficacement avec des infusions de digitale. Idem pour les médicaments anticancéreux extraits des plantes ».

Aucun risque, car ce ne sont que des plantes ?

Une toxicité aigüe peut exister, ainsi qu’une toxicité chronique, par l’usage sur de longues périodes. Parmi d’autres, la toxicité hépatique a été démontrée pour plusieurs produits de phytothérapie (thé vert, plantes asiatiques, kava kava, chardon etc.). Un chiffre fait réfléchir : 5 à 10 % des intoxications observées aux urgences sont dues à l’ingestion de plantes.

C’est naturel, alors peu importe la dose ?

Aucune substance n’est anodine en termes de dose. Or, il peut être difficile de savoir la quantité de plante et de principe actif que l’on ingère (capsules laxatives etc.). De plus, la teneur en principe actif varie souvent en fonction de l’origine, de la récolte etc. D’où un risque tant de sous-dosage que de surdosage en principe actif. Par exemple, le Séné absorbé à dose élevée peut provoquer des diarrhées sévères et des hémorragies chez le sujet âgé.

En vente libre, les huiles essentielles requièrent-elles quelques précautions ?

Le passage des huiles essentielles à travers la peau ou directement dans le poumon lorsqu’elles sont inhalées n’est pas sans conséquence. Par définition, elles sont très concentrées en principe actif ou diluées dans des substances potentiellement nocives (menthol etc.). L’on sait que le menthol peut provoquer des bronchospasmes (constriction excessive des bronches) avant 7 ans notamment. Leur usage doit faire l’objet de précautions particulières chez les personnes allergiques ou asthmatiques mais aussi chez la femme enceinte et l’enfant, car certaines huiles essentielles sont toxiques au plan neurologique et hépatique.

Existe-t-il interactions entre certaines plantes et certains médicaments ?

Ce risque d’interaction existe. Plusieurs plantes sont donc déconseillées lors de la prise de certains traitements.

Pr François Chast : « Le ginkgo biloba accroît le risque d’hémorragie chez les personnes prenant de la warfarine (anticoagulant oral), la réglisse augmente la rétention hydrosodée en cas de prise de prednisolone (corticoïde) et le millepertuis possède des substances qui perturbent l’action de plusieurs médicaments (statines, immunosuppresseurs, anticoagulants etc.). Il faut donc utiliser cette plante aux vertus antidépressives seule, en dehors de tout autre traitement ».

Comment choisir un phytothérapeute ?

Un diplôme inter-universitaire (DIU) de phytothérapie est proposé à la faculté de pharmacie Paris-Descartes. Il est essentiellement ouvert aux pharmaciens et encadré par des enseignants chercheurs dans le domaine des plantes.

Pr François Chast : « L’idéal est de s’assurer que le phytothérapeute possède un diplôme ayant fait l’objet d’une labellisation universitaire, qui sous-tend que les enseignants ont le recul nécessaire, c’est-à-dire qu’ils ne sont pas dans l’apologie de la plante mais dans une évaluation sereine de leurs qualités et dangers ».

* Cette liste a été publiée dans la revue Phytothérapie : (2015) 13:335-344.

Hélène Joubert, d’après un entretien avec le Pr François Chast, pharmacien des hôpitaux et président honoraire de l’Académie Nationale de Pharmacie.

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