Vers l'âge de 17 ans, plus personne ne devrait souffrir d'énurésie nocturne. En théorie ! Si elle touche 10% des 5-7 ans et guérit spontanément au rythme de 1% par an, dans les faits, l'énurésie peut persister chez 1 à 2% des adultes. Pas question de céder au découragement pour autant.
Publié le
06/02/18
Enurésie de l'adolescent, quand s'inquiéter ?
Dans l'énurésie nocturne primaire isolée (Enpi) -la plus fréquente- la personne qui fait « pipi au lit » n'a jamais acquis un contrôle mictionnel (pour uriner) nocturne sans traitement pendant au moins six mois. Vers l'âge de 5 ans, 85% de la population sait se retenir la nuit (« contrôle mictionnel nocturne »). Plus on avance en âge, plus le risque que l'énurésie soit sévère (>3 accidents/semaine) est grand. Et 2,5% des personnes jusqu'à 40 ans souffrent encore de cet type d'incontinence urinaire.
Dr Henri Lottmann, chirurgien urologue (hôpital Necker-Enfants malades, Paris) : « Chez les adolescents et jeunes adultes il y a les énurésies rebelles jamais traitées de façon appropriée, les énurésies négligées car pas forcément gênantes et les énurésies réfractaires où il y a eu une démarche thérapeutique appropriée, mais qui a échoué. Peu importe les prises en charge antérieures, il faut alors tout reprendre à zéro ».
Les 6 causes d'une énurésie de l'adolescent et du jeune adulte
Plusieurs facteurs entrent en jeu dans l'énurésie et sont parfois associés :
Une polyurie (urines abondantes) nocturne est la cause la plus fréquente (70% des énurésies nocturnes primaires isolées). Chez les adolescents énurétiques, elle peut être favorisée par de mauvaises habitudes comme la prise excessive de thé, ou de café qui entraîne une hyperexcitabilité du muscle vésical avec des envies d'uriner (mictions) fréquentes et de petit volume. De plus, alors qu'en général la diurèse (production d'urine) chute la nuit sous le contrôle d'un pic de sécrétion d'une hormone (l'ADH), chez les énurétique ce pic de sécrétion n'existe pas. La vessie est alors « débordée ».
Une faible capacité vésicale. Malgré la chute de la production d'urine la nuit, environ 30% des énurétiques ont une capacité insuffisante de leur vessie (< 70% de la capacité vésicale normale).
L'absence de perception du remplissage de la vessie. Plutôt qu'un sommeil trop profond, il y a chez les énurétiques une perturbation du seuil d'éveil, qui ne leur permet pas de percevoir le trop-plein de leur vessie. Comme le disent les parents, ils sont « durs à réveiller ».
L'obstruction des voies aériennes supérieures comme le syndrome des apnées du sommeil et le ronflement sont source de polyurie et donc éventuellement d'énurésie.
L'énurésie est parfois héréditaire. Faire « pipi au lit » est plutôt masculin (3 garçons pour 1 fille). Il y a aussi un facteur héréditaire : le risque est de 40% si l'un des deux parents était lui-même énurétique et 70% si les deux parents l'étaient.
Les troubles psychiques ne sont pas plus fréquents chez les adolescents et jeunes adultes souffrant d'énurésie primaire. Néanmoins, 20% des enfants énurétiques ont un « déficit de l'attention avec hyperactivité » (TDHA), dont les deux composantes (hyperactivité et trouble de l'attention, plus discret) sont à rechercher.
Pas de diagnostic d'énurésie sans calendrier mictionnel
En consultation, l'urologue va retracer l'histoire de la maladie et s'aider de questionnaires qui explorent les troubles de la miction et de la continence et d'un calendrier mictionnel sur 48h rempli au préalable par l'adolescent (nombre de mictions et leurs horaires avec si possible la quantité d'urine émise, mesurée dans un verre en plastique gradué en millilitres). Si l'adolescent porte toujours des couches, la production d'urine nocturne est déduite par la différence de poids de la couche mouillée/sèche ajoutée au volume d'urines émises au réveil. Il effectuera aussi un examen clinique neuro-urologique complet pour explorer cette incontinence urinaire. Aucun examen complémentaire n'est utile en première approche, tout au plus une bandelette urinaire réactive pour éliminer en particulier un diabète.
25% des cas d'énurésie guéris avec les règles hygiéno-diététiques
Première étape, le suivi des règles hygiéno-diététiques peut guérir près d'un quart des adolescent et jeunes adultes énurétiques. Elles visent à corriger les apports hydriques et leur répartition :
Les apports liquides chez l'adolescent ou l'adulte énurétique restent normaux : 35-40 ml par kilo et par jour, ingérés entre 7h et 18h.
1/3 des boissons quotidiennes est absorbé au petit déjeuner. 70% des apports liquides doivent être ingérés avant 16h.
Une fois ces règles respectées, on peut ensuite envisager de diminuer le plus possible les apports hydriques après 18h.
Eviter les boissons gazeuses sucrées en seconde partie de journée ainsi que les aliments très salés, le thé, le café.
Limiter l'apport calcique en modérant les laitages le soir.
Boire avant le sport. Pas après.
Attention aux apports hydriques cachés ! Une soupe au dîner fournit 300ml de liquides.
Aller uriner régulièrement dans la journée, sans attendre la dernière minute.
Quels moyens pour venir à bout d'une énurésie ?
Parfois cependant, l'énurésie perdure malgré les règles hygiéno-diététiques respectées et la prise en charge d'un « déficit de l'attention avec hyperactivité » ou d'un syndrome des apnées du sommeil.
Plusieurs traitements, adaptés aux informations fournies par le calendrier mictionnel peuvent être proposés :
La desmopressine est le médicament de premier recours. Efficace dans les forme d'énurésie avec polyurie (urines abondantes).
Les alarmes sonores sont plutôt le choix privilégié dans les formes à petite capacité vésicale (30% des cas). Une sonde glissée dans la culotte ou une alèse déclenche une alarme dès les premières gouttes. Elles sont considérées efficaces après 14 nuits sèches consécutives. Ces systèmes d'alarme sont efficaces (aucune nuit mouillée) dans 60 à 80 % des cas sur une moyenne d'utilisation de trois mois (les alarmes sont d'autant plus efficaces que le patient est plus âgé et motivé). Il peut parfois être nécessaire de prescrire un traitement combiné alarme- desmopressine. En particulier dans les cas où la polyurie s'accompagne d'une capacité de vessie réduite. Avec le temps, l'alarme sonore permet à la personne de dormir une nuit entière sans se lever : cela signifie qu'on est parvenu à resynchroniser la vessie avec la production d'urine nocturne.
Certains médicaments appelés anticholinergiques peuvent s'avérer utiles, en seconde intention lorsqu'on suspecte une énurésie nocturne par une vessie hyperactive qui peut n'exister que pendant le sommeil (1/3 des 30% d'énurésies nocturne à capacité de vessie réduite).
Les antidépresseurs (ceux dits imipraminiques) sont réservés à de rares cas d'énurésies réfractaires chez l'adolescent et prescrits de manière très « encadrée » du fait de leur toxicité cardiaque potentielle. Ils agissent sur le seuil d'éveil et sur la capacité de la vessie.
L'hypnose, la psychothérapie, l'acupuncture, l'homéopathie ou la chiropraxie n'ont pas à ce jour fait la preuve de leur efficacité, faute d'études fiables.