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J’arrête de ruminer !

Publié le 27/02/18

Les ruminations, ces pensées négatives qui tournent en boucle, nous gâchent l’existence. Le Dr Bernard Anselem, médecin neuropsychologue, nous dit tout sur ces pensées toxiques.

Les ruminations, ni logiques ni fondées sur la réalité

Les ruminations sont des pensées qui reviennent en boucle et que l’on ne parvient pas à éliminer. On sait beaucoup moins qu’elles s’accompagnent de l’absence de résolution du problème en question. La capacité à corriger la difficulté fait en effet cesser les ruminations. A ne pas confondre avec les pensées négatives ; celles-ci ne sont pas des ruminations, elles les nourrissent. Les pensées négatives sont utiles dans la vie quotidienne ; servant à construire, à anticiper les situations potentiellement problématiques. Les ruminations résultent des répétitions improductives des pensées négatives, dans le registre de la peur (anxiété), de la colère (irritation) ou de la tristesse (regret, nostalgie…).

L’inquiétude ou les préoccupations banales sont, pour leur part, une peur vis-à-vis du futur. L’émotion négative provoquée par une inquiétude est normale. Si elle prend alors le pas sur notre raisonnement, si nous la prenons pour une réalité, elle va diriger nos pensées et cela se mue en rumination. Si, en plus, l’émotion à affronter est intense, les raisonnements classiques et le bon sens sont inopérants.

Les ruminations sont le fruit d’une hypersensibilité émotionnelle face à une situation particulière. S’ensuivent des débordements de pensées inadaptées et d’émotions négatives disproportionnées. Comme nous tenons les ruminations pour vraies, logiques et fondées sur la réalité, nous ne percevons pas leur pouvoir déformant et nous les autoalimentons : nous renforçons ainsi leur dimension émotionnelle et créons un cercle vicieux difficile à rompre.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la rumination n’aide pas à résoudre le problème : la rumination est le problème.

Je rumine. Et alors ?

Les ruminations favorisent le stress chronique, compromettent notre bien-être et notre vision de la vie. En effet, le stress crée une inflammation généralisée à l’organisme, impliqué dans de nombreuses perturbations cardiovasculaires, neurologiques ou des défenses immunitaires. La santé mentale n’est pas épargnée, avec des répercussions sur le sommeil, l’humeur, l’orientation de nos pensées dans un sens négatif et par conséquent la diminution de notre motivation à agir.
Les ruminations et l’autodénigrement sont les premiers facteurs d’accroissement des troubles mentaux, en particulier les troubles anxieux pathologiques et les tendances dépressives. Les ruminations accroissent également les risques d’addictions et de désordres alimentaires.

Héritage de notre cerveau ancestral

Les émotions font partie des fonctions basiques de notre cerveau. Elles sont liées à un réseau apparu bien avant l’émergence du langage. Elles se forment quelques 10emes de secondes avant les pensées conscientes. C’est pourquoi elles dirigent nos pensées, ce qu’on a du mal à admettre du point de vue rationnel. Dit d’une autre manière, les circuits nerveux de notre cerveau ancestral se sont initialement structurés de telles sorte qu’un événement menaçant prend une connotation émotionnelle, c’est-à-dire qu’il est traité plus rapidement et plus intensément par notre cerveau. Il prend alors la place des autres pensées du moment. Nous mémorisons donc mieux tout ce qui se révèle menaçant, désagréable. Il faut donc savoir prendre du recul sur ses propres pensées et sur son raisonnement lorsqu’ils sont toxiques. Tant que l’on s’y identifie, il est impossible d’en changer. Il faut s’en désolidariser.

Des solutions pratiques pour rompre le cercle vicieux existent

Il existe des solutions efficaces à court terme, mais qui n’ont pas forcément un effet prolongé.

Deux d’entre-elles agissent en guidant nos pensées :
- Accepter ses émotions, ce que l’on ne peut pas changer. L’acceptation n’est pas une démarche passive mais active. C’est prendre conscience de sa gêne et de son ressenti afin de tourner la page, puis enchaîner avec la poursuite de nos objectifs pour tenir à distance les ruminations.
- Modifier les pensées nocives par la « réévaluation » des idées et combattre les raisonnements inadaptés, les conclusions hâtives, la personnalisation et le blâme. Ce recadrage s’opère en critiquant ses pensées et en les remplaçant par une interprétation plus favorable.

Deux autres solutions interviennent sur nos actions :
- S’occuper l’esprit par la distraction active (activité physique, manuelle, etc.)
- Se relaxer (cohérence cardiaque, relaxation musculaire etc.)

On éduque son cerveau

Pour un changement durable des habitudes de pensée, des solutions ont un effet prolongé. Si elles sont à la portée de tous, elles nécessitent néanmoins une certaine volonté d’en finir avec les ruminations, d’accepter de changer ses habitudes et un investissement personnel. Car il est possible de changer, à tout âge, grâce à la « plasticité cérébrale » : chaque fois que nous produisons une pensée, nous renforçons la communication entre les neurones. Au fil des répétitions, ce chemin renforcé va alors favoriser la reproduction de cette pensée. On « éduque » son cerveau.

Il s’agit d’identifier et accepter ses peurs et incertitudes, ses tristesses, dédramatiser son émotion et passer à l’action. Ensuite, apprendre à repérer les aspects positifs de chaque situation. Comme la conscience n’est en mesure de ressentir qu’une unique émotion à la fois, la pensée positive et constructive prendra le pas sur la négative. Cet entraînement permanent à prendre le bon côté des choses permet, mécaniquement, de mettre à distance les ruminations. Par un effet « boule de neige », nos interactions avec les autres individus s’amélioreront. Un cercle vertueux. Cette technique peut sembler naïve et superficielle, mais elle est beaucoup plus efficace qu’il n’y paraît de prime abord.

La seconde solution est d’apprendre à vivre dans le présent, c’est-à-dire en pleine conscience (mindfulness) en prenant conscience de ses pensées en tant qu’observateur extérieur. L’un de ses principes est de s’entraîner à repérer les pensées négatives, à les considérer comme telles et comprendre qu’elles ne reflètent aucunement la réalité. La pleine conscience permet de diminuer la dépression et l’anxiété.

D’autres méthodes sont développées dans l’ouvrage du Dr Anselem*, comme par exemple « l’optimisme appris » qui revient à refuser de s’attarder sur les problèmes, sans les nier.
L’ensemble de ces méthodes est accessible à tous. Encore faut-il avoir suffisamment de souplesse d’esprit pour ne pas rester accroché à ses ruminations et faire preuve de persévérance, en élaborant un programme personnel ou en tenant un journal par exemple, car les bonnes habitudes se prennent sur plusieurs semaines.

D’après un entretien avec le Dr Bernard Anselem, médecin spécialiste en imagerie médicale, master de recherche en neuropsychologie et certificat de Science of happiness de l'université de Berkeley (États-Unis).

Hélène Joubert, journaliste

Source : * Bernard Anselem est l’auteur du livre intitulé « Je rumine, tu rumines, nous ruminons » (septembre 2017, 202 pages – 18 € www.editions-eyrolles.com) et de « Ces émotions qui nous dirigent » aux éditions Alpen.

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