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Quand une école primaire et une maison de retraite font toit commun

Si les écoles intergénérationnelles commencent à se développer en France, c’est en Indre-et-Loire que ce concept novateur a vu le jour. Le principe : réunir dans un même bâtiment une école et une maison de retraite. À Souvigny-deTouraine, 41 élèves de primaire et 24 pensionnaires de plus de 60 ans cohabitent ainsi en toute harmonie depuis 2015.

Doctopress
Publié le 22/02/24
Temps de lecture 3 min

Kélya, 6 ans, est très concentrée. Un petit moule en forme de sapin dans la main, elle suit les instructions d’Huguette, 89 ans. « Tu le poses sur la pâte et surtout tu appuies fort. Voilà, comme ça, c’est très bien ! », l’encourage la vieille dame. La petite fille s’applique. « On fait de la pâte à sel », explique-t-elle, un grand sourire aux lèvres. Plus loin, Maël, 6 ans, les joues et le tee-shirt maculés de farine, fait la grimace. Sa figurine ne veut pas se détacher. « Attends mon chéri, je vais t’aider », intervient Jeanine, 87 ans. 

En cette fin novembre, les élèves de CP de l’école primaire de Souvigny-de-Touraine (Indre-et-Loire) préparent le marché de Noël. Et pour les aider, ils peuvent compter sur les résidents de la Maison d’accueil rurale pour personnes âgées (Marpa) avec lesquels ils partagent le même toit depuis bientôt dix ans.

L’histoire de cet établissement atypique commence en 2008. Cette année-là, l’inspection académique décide d’ouvrir une nouvelle classe dans ce petit bourg de 400 habitants situé à une dizaine de kilomètres d’Amboise. Mais la commune, qui souhaite aussi créer une maison de retraite, n’a pas les moyens d’agrandir l’ancienne école. Les élus imaginent alors un projet audacieux pour l’époque : construire un seul et unique bâtiment qui abriterait en son sein non seulement une école mais aussi une résidence pour personnes âgées. Du jamais vu en France jusqu’alors.

Comme à la maison

Après sept ans de démarches administratives compliquées, ce qui ressemblait à une utopie est devenu réalité. La Marpa-école des 2 Aires ouvre ses portes à la rentrée scolaire 2015, avant même l’arrivée des premiers pensionnaires. 

« Les débuts n’ont pas été faciles, reconnaît Françoise Jeanne, présidente de l’association qui gère la résidence senior. Il a fallu se faire connaître, rassurer les personnes âgées qui, pour certaines, s’inquiétaient de la présence d’une école dans l’établissement et revoir notre politique tarifaire afin d’être accessible au plus grand nombre. En janvier 2016, nous n’avions que trois résidents sur les vingt-deux logements disponibles ! »

Depuis, la situation a bien changé. Aujourd’hui, tous les appartements sont occupés. Vingt-quatre retraités autonomes, âgés de 63 à 98 ans, vivent ici, dont deux couples. « Les résidents sont comme chez eux, explique Françoise Lainé, responsable de la maison de retraite. Quand ils emménagent, ils amènent leurs propres meubles, ce qui leur permet de conserver leurs petites habitudes. » Les pensionnaires peuvent aller et venir comme ils le souhaitent, faire la cuisine dans leur appartement, recevoir des proches, partir pour les vacances ou dîner à l’extérieur. « C’est vraiment leur logement. Mais en même temps, ils sont sécurisés car ils savent qu’il y a toujours quelqu’un, vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept. »

Une école et une maison de retraite sous le même toit

En Indre-et-Loire, une quarantaine d’élèves cohabitent en toute harmonie avec les résidents d’une maison de retraite intergénérationnelle. 

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De nombreuses activités en commun

En forme de U, le bâtiment de la Marpa-école de Souvigny-de-Touraine a été conçu pour favoriser les échanges entre les générations. Les élèves occupent une aile, les résidents une autre, tandis qu’au centre, une troisième aile est réservée aux espaces partagés : la bibliothèque, la cuisine de l’établissement et la salle d’activités. Avec un principe clé : « La porte entre l’école et la résidence reste toujours ouverte. Cela permet aux personnes âgées de venir voir les enfants quand elles le veulent, et inversement », assure Hélène Laurence, l’institutrice des CE2-CM1-CM2.

À cet accès facilité s’ajoutent de nombreuses activités en commun. Ateliers de cuisine, jeux de société et même dictées hebdomadaires se succèdent tout au long de l’année. « Rien n’est imposé ni aux résidents ni aux enfants, chacun est vraiment libre de faire ce qu’il lui plaît », précise Françoise Lainé. Deux fois par semaine, les lundis et vendredis, les élèves qui le souhaitent peuvent également déjeuner avec les pensionnaires qui, pour préserver leur tranquillité, disposent de leur propre restaurant. 

Un moment de partage qu’apprécie particulièrement Inès, 8 ans. « J’aime bien manger avec les résidents, parce qu’on peut discuter avec eux de plein de choses », dit-elle, entre deux bouchées. « Et puis, ici, c’est plus calme qu’à la cantine », renchérit Maëlys, 10 ans, un bandana rouge noué autour des cheveux.

Attablé à côté d’elle, Bernard, « bientôt 90 ans », se souvient que lorsqu’il était enfant, « c’était très différent ». « À l’époque, à l’école, tout était bien séparé, raconte-t-il à ses petites voisines. Il y avait les filles d’un côté, les garçons de l’autre. On ne se mélangeait pas. Alors déjeuner avec des personnes plus âgées, la question ne se posait même pas ! »

« C’est là que je veux être »

« Ce qui est formidable, c’est qu’on est en contact avec les enfants tous les jours ou presque », témoigne Jeanine. Arrivée il y a cinq ans à la suite du décès de son second mari, c’est dans cette maison de retraite pas comme les autres que l’octogénaire dit avoir repris goût à la vie. « Mon époux était un monsieur merveilleux avec lequel j’étais sur la même longueur d’onde, si j’ose dire. Il aimait comme moi la musique, la lecture, les voyages. On était complémentaire tous les deux. »

Dans son appartement qui ouvre sur un grand jardin, les photos témoignent de cet amour qui aura duré trente ans. « Quand il est parti, ça a été un gros choc, il a fallu m’hospitaliser pendant huit jours, confie-t-elle. Après cela, je ne voulais plus vivre dans ma maison, je voulais retourner dans ma Touraine natale. Quand j’ai visité cette résidence, avec tous ces enfants, je me suis tout de suite dit : “C’est là que je veux être !” »

Jacqueline, elle, a emménagé en juillet 2022. À 89 ans, cette ancienne viticultrice a le sentiment d’avoir trouvé ici une seconde famille. « C’est une petite structure, on se connaît tous et on s’appelle par nos prénoms, c’est très familial. Et puis il y a les enfants ! Pour moi qui n’ai pas eu la chance d’avoir de petits-enfants, c’est très agréable de les côtoyer au quotidien. Quand je vais faire des courses au supermarché, je leur ramène toujours quelque chose, des cartes de jeux ou des bonbons », dit-elle.

Promouvoir une société plus respectueuse de ses aînés

Il n’y a pas que les résidents qui sont ravis. Les enfants apprécient aussi la compagnie de ces papis et mamies de substitution. « Le truc qui est bien avec eux, c’est qu’ils nous apprennent vraiment plein de choses, observe Logan, 10 ans. Danièle, par exemple, elle m’a appris à examiner une goutte d’eau parce qu’avant, elle était professeur de biologie. C’est ça que j’adore ! Et puis des fois, on joue ensemble à des jeux de société, c’est super », s’enthousiasme-t-il.

Enseignante depuis six ans, Laure Jault s’occupe des élèves de grande section de maternelle, CP et CE1 depuis le mois de septembre. C’est la première fois qu’elle travaille dans une école couplée à une maison de retraite. « Voir des personnes âgées au quotidien, ce n’est pas banal pour une institutrice, s’amuse la jeune trentenaire. Ici, il y a une richesse qui n’existe pas dans les écoles classiques. Il y a un vrai partage entre les enfants, qui arrivent avec leur vision du monde pleine d’innocence et de nouveautés, et les résidents qui, en retour, les font bénéficier de leur expérience, de leurs témoignages », dit-elle. Avant d’ajouter : « Je pense que c’est un excellent moyen de préparer les élèves à devenir des citoyens plus solidaires. »

Une réponse au vieillissement de la population

Alors que la société vieillit inexorablement – un tiers des Français aura plus de 60 ans en 2030 – les maisons de retraite intergénérationnelles seraient-elles la solution pour lutter contre l’isolement des personnes âgées et promouvoir une société plus respectueuse de ses aînés ?

Une chose est sûre, le concept séduit. À Dijon, Montpellier ou encore Marseille, des structures intergénérationnelles ont vu le jour ces dernières années. Et depuis septembre dernier, l’école maternelle de Barlin, dans le Pas-de-Calais, est installée au sein de l’Ehpad (Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes).

Pas de quoi étonner Hélène Laurence qui le constate au quotidien : « Le lien avec les enfants est très important, car il permet aux résidents de se rendre compte qu’ils ne sont pas inutiles, qu’ils ne sont pas juste là à attendre la fin, mais qu’ils ont, au contraire, beaucoup de choses à transmettre. »

Jeanine, elle, se réjouit chaque jour d’avoir emménagé au milieu de tous ces écoliers. « J’ai conscience de la chance que j’ai. La vie est tellement plus belle quand on la regarde à travers des yeux d’enfants. Même si je ne suis pas pressée, j’espère bien que c’est ici que je terminerai la mienne », conclut-elle dans un éclat de rires.

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