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Nutrition infantile : Les générations se suivent et ne se ressemblent pas…

Publié le 04/11/19

 

 

Les décennies passant, les enfants consomment moins de lait, de produits carnés, de fruits et de légumes. Dans le même temps, le végétalisme fait une percée.
Les habitudes alimentaires des enfants, adolescents et même des nourrissons évoluent. Pour le meilleur ou pour le pire ?
 

Les nouvelles tendances en nutrition infantile

« En dix ans, la consommation alimentaire des 0-18 ans a perdu en diversité* », résume Pascale Hébel, qui dirige les études trisannuelles du CREDOC sur les Comportements et Consommations Alimentaires en France. « Ils consomment notamment moins de viandes de boucherie, de produits laitiers et semblent bouder les légumes ». Selon une autre enquête du CREDOC parue en 2016, on n'a jamais eu aussi peu de grands consommateurs de fruits et légumes, que ce soit chez les enfants (3 -17 ans) ou les adultes. Chez les plus jeunes, seulement 6 % consomment plus de cinq portions de fruits et légumes par jour. Dans le même temps, la part des très petits consommateurs (moins de deux portions par jour) est passée de 32 % en 2010 à 45 % en 2016.
 

Les nouvelles générations délaissent la viande et le lait

Une tendance à la diminution de la consommation de produits carnés chez l’adolescent ressort également (-19% chez les 6-10 ans entre 2007 et 2016, dans une étude parue en avril 2019)* alors que dans le même temps, la part des quiches et pizzas grimpe en flèche (+38%).
Or, les publications scientifiques sont nombreuses, soulignant le caractère délétère d’une consommation trop faible de produits carnés chez l’adolescent, principalement du fait d’un risque d’apports insuffisants en fer, ce qui est d’ailleurs constaté chez la moitié des enfants tous âges confondus, en particulier chez les plus jeunes. C’est un réel souci qui avait motivé les dernières recommandations sur les apports en fer par la Société française de pédiatrie (SFP) en 2017. En Europe, 7 à 18% des jeunes enfants après 1 an et 24 à 36% des adolescents sont en carence martiale, raison pour laquelle tous les enfants en allaitement maternel exclusif ou mixte après l’âge de 6 mois doivent être supplémentés en fer. Dès l’arrêt du lait de croissance et jusqu’à l’âge de 18 ans, la consommation d’un produit carné lors d’au moins deux repas quotidiens est nécessaire pour assurer les besoins en fer **.  

La consommation de lait a aussi diminué de 21% en 13 ans, à cause notamment du recul de la prise quotidienne du petit déjeuner chez l’enfant et l’adolescent. De fait, alors que les apports en calcium des 0-3 ans restent satisfaisants, chez les plus âgés le nombre d’enfants en dessous du besoin nutritionnel moyen (BNM) en calcium est, lui, en augmentation. Celui-ci s’est envolé, sur 6 ans, de 4% à 20% chez les 3 à 5 ans et de 20% à 37% chez les 6-8 ans.
 

Des apports croissants en sucre

Cette année, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses) dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS) a édicté de nouveaux repères alimentaires en particulier chez l’enfant où progresse, selon l’institution, un comportement inquiétant. Il s’agit pour les 4-17 ans de la consommation croissante de sucre, sous toutes ses formes. 75 % des 4-7 ans, 60 % des 8-12 ans et 25 % des 13-17 ans consomment du sucre en excès (sucres totaux hors galactose et lactose). En conséquence, l’institution préconise de limiter les boissons sucrées (sodas, jus de fruits compris), et les pâtisseries, biscuits et gâteaux, céréales, bonbons, « trop fréquents en particulier au goûter ». Le Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatriques de l’hôpital Trousseau (Paris) relativise : « On ne s’habitue pas à manger sucré mais on s’habitue à consommer un type d’aliment sucré. Attention, je n’ai pas dit qu’il fallait donner du sucre sans limites aux enfants quel que soit l’âge, mais de manière raisonnable. Le sucre en soi n’est pas délétère, ce qui l’est en revanche est que si l’on consomme trop de plats sucrés, on risque de le faire au détriment d’autres aliments importants (végétaux, produits laitiers et carnés). ».

De nouveaux risques de déficits nutritionnels
Le nombre de végétaliens a progressé de 350% dans le monde au cours de la dernière décennie***. Néanmoins, ce chiffre ne dépasse pas 3% en France, l’enjeu reste donc modeste. Pour autant, en 2017, l’Association européenne de pédiatrie a confirmé les risques de carences liées à une alimentation végétalienne chez l’enfant, en vitamine A, B2, B12, D, fer, zinc, calcium, DHA, et spécifiquement en protéines chez le nourrisson.
Une étude de 2018 sur le végétalisme chez le nourrisson, conduite par le Dr Julie Lemale et le Pr Tounian, a mis en lumière les conséquences dramatiques d’une alimentation végétalienne : fractures, convulsions, séquelles neurologiques, anémies sévères, régression psychomotrice, alcalose avec troubles respiratoires et déficit calcique osseux difficilement rattrapable.
Ce risque de carences nutritionnelles a conduit les experts français à recommander une supplémentation systématique de 2-3 mg/kg/j de fer métal (après dosage de la ferritininémie), un apport en calcium compris entre 500 et 1000 mg/j (selon l’âge et les autres apports), 250 g tous les 10 jours de vitamine B12, 100 000 UI de vitamine D tous les 3 mois et de l’acide docosahexaénoïque (DHA-acide gras semi-essentiel utile au fonctionnement cérébral) à raison d’1g/j (500 mg EPH et DHA). En revanche, précise Patrick Tounian, « il n’y a pas de carence protéique, contrairement à ce que l’on peut lire et entendre un peu partout, sauf chez les nourrissons nourris exclusivement aux jus végétaux ».

Hélène Joubert, journaliste. Merci au Pr Patrick Tounian, chef du service de nutrition et gastro-entérologie pédiatriques de l’hôpital Trousseau (Paris).

Références :
* CREDOC N° 304 • ISSN 0295-9976 • avril 2019
**Archives de Pédiatrie 2017;24:5S23-5S31 mai 2017
*** Pietro Ferrara et al, Caring for Infants and Children Following Alternative Dietary Patterns. http://dx.doi.org10.1016/j.jpeds.2017.04.053
 

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