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Douleurs neuropathiques, des douleurs pas comme les autres

Publié le 06/02/18

Toutes les douleurs ne se ressemblent pas. Certaines douleurs dites douleurs neuropathiques liées à des lésions nerveuses font souffrir au quotidien 5% de la population. Elles ne sont pas soulagées comme les autres par les antalgiques classiques, mais à coup d’antiépileptiques ou d’antidépresseurs. Des experts internationaux viennent de se pencher sur le traitement de ces douleurs chroniques et invalidantes. Le Pr Nadine Attal, la neurologue qui a participé aux recommandations de la journée mondiale contre la douleur 2016, nous explique quelle est cette douleur, méconnue et pourtant si fréquente.

Un quart des douleurs sont des douleurs neuropathiques

Les douleurs neuropathiques sont des douleurs chroniques, très handicapantes dans toutes les sphères du quotidien.

Lorsque l’on parle de douleur, on pense à la douleur classique, lorsque l’on se blesse, lorsque les vertèbres lombaires nous font souffrir, en cas d’arthrose ou de cancer... ce sont des douleurs dites "nociceptives", dues à la stimulation persistante et excessive des récepteurs périphériques de la douleur, autrement dit liées à une lésion du tissu périphérique. Un antalgique plus ou moins fort (paracétamol, anti-inflammatoire, codéine ou dérivés de la morphine etc.) suffit à les contenir.

Or un quart des douleurs sont d’un tout autre type : elles sont dues à une lésion des nerfs ou à une maladie qui affecte le système nerveux. Environ 5% de la population ressent ces douleurs chroniques particulières (brûlures, froid douloureux) continues ou à type de décharge électrique (paroxystiques), souvent accompagnées d’une sensation d’engourdissement, de démangeaisons, de picotements...

Pourtant, les personnes attendent trois ans en moyenne avant de consulter un centre spécialisé contre la douleur.

Pr Nadine Attal, neurologue (INSERM U-987- Centre d'Evaluation et de Traitement de la Douleur, Hôpital Ambroise Paré, Boulogne-Billancourt) : « Les douleurs neuropathiques sont d’une grande banalité, beaucoup plus fréquentes que ne le croit le grand public. Nombreux sont ceux qui sont touchés sans même le savoir. Ainsi, la sciatique chronique est une douleur neuropathique. Elles sont aussi par exemple le lot quotidien d’une personne opérée sur dix, d’une partie des personnes diabétiques ("neuropathie diabétique douloureuse"), de celles qui souffrent après un zona ou à la suite d’un traumatisme. Ces douleurs neuropathiques sont une cause majeure d’arrêt de travail, de consommation de soins et restent bien plus difficiles à traiter que les douleurs habituelles nociceptives. »

Antidépresseurs et antiépileptiques plutôt qu’antalgiques

Dans les études, un malade sur cinq souffrant de douleur neuropathique est soulagé par rapport à un placebo, et dans la "vraie vie" c’est rarement plus d’un malade sur deux. Même lorsqu’il est bien soigné, il ne répond jamais complétement au traitement.

Néanmoins, la prise en charge des douleurs neuropathiques progresse, lentement mais sûrement, et s’appuie de plus en plus sur des recommandations thérapeutiques fondées sur les preuves, avec des essais cliniques de meilleure qualité. Ces dernières années, les recherches se sont tout particulièrement focalisées sur l’étude de combinaisons médicamenteuses et l’utilisation de traitements topiques (application locale au niveau de la zone douloureuse) alors qu’ils étaient très peu prescrits voire déconseillés il y a quelques années.

De nouvelles recommandations de l’Association internationale pour l’étude de la douleur viennent d’être publiées (1). On distingue les traitements médicamenteux de premièreligne, de seconde ligne (en cas d’échec de la 1ère ligne) et de troisième ligne :

  • 1ère ligne : Le thérapeute a le choix entre les antidépresseurs * et les antiépileptiques (prégabaline ou la gabapentine).

Combiner un antiépileptique et un antidépresseur (prégabaline-duloxétine) peut être utile en cas d’efficacité partielle d’un des deux traitements utilisés seuls. Attention, certaines combinaisons sont irrationnelles ou dangereuses comme gabapentine –prégabaline (puisqu’ils ont le même mécanisme d’action), duloxétine-amitriptyline à fortes doses et antidépresseurs-tramadol à fortes doses.

Le choix de l’un ou l’autre dépend du terrain (comorbidités psychiatriques et psychologiques, physiques) et des contre-indications (cardiovasculaires notamment pour les antidépresseurs tricycliques, maladie du foie pour la duloxétine).

Si le sujet est anxieux, on privilégiera la duloxétine ou la prégabaline qui agissent aussi sur l’anxiété généralisée, et plutôt un antidépresseur en cas de composante dépressive, (bien que les doses utilisées ne soient pas nécessairement les mêmes pour traiter la dépression et la douleur).

Tous ces traitements sont à risque de somnolence ou d’impression vertigineuse. La prégabaline et les tricycliques peuvent faire prendre du poids.

  • 2nde ligne : En cas d’échec, qui concerne environ un patient sur deux, des traitements topiques, c’est-à-dire d’application locale, peuvent alors être utilisés.

Ceux de capsaïcine -c’est la nouveauté- et ceux à la lidocaïne *** sont désormais recommandés dans les douleurs neuropathiques périphériques (liées à une lésion d’un nerf seulement, et non pas de la moelle ou du cerveau) comme le zona, les douleurs neuropathiques du diabète ou après une chirurgie.

La capsaïcine est un dérivé du paprika qui agit sélectivement sur les récepteurs de la douleur. La douleur doit être circonscrite sur une zone précise du corps. En France, les patchs de capsaïcine sont prescrits en hôpital de jour uniquement.

Il existe une autre possibilité en seconde ligne de traitement : le tramadol. Il s’agit d’un opiacé faible (opioïde, dérivé de la morphine).

  • 3ème ligne : Les médicaments opiacés forts (dérivés de la morphine), souvent efficaces à court terme mais délicats à manier sur le long terme du fait du risque potentiel d’addiction ou d’abus médicamenteux. A partir de la posologie de 120 mg/jour d’équivalent morphine, il vaut mieux être suivi dans une structure Douleur.

La neurostimulation cérébrale non invasive et le BOTOX R dans les douleurs neuropathiques

La stimulation électrique transcutanée (administration d’un courant électrique au travers de la peau) est proposée de longue date par les structures de lutte contre la douleur dans les douleurs neuropathiques périphériques. D’autres techniques de neurostimulation cérébrale non invasives, encore confidentielles comme la stimulation magnétique transcrânienne répétitive, deviennent désormais elles-aussi un choix thérapeutique possible pour les personnes en échec de traitement pharmacologique dans ce type de douleur chronique. Leur intérêt est certain à court terme (environ une personne sur deux est soulagée) et prometteur à long terme.

Quant à la neurostimulation invasive, elle s’adresse aux douleurs très réfractaires et dépend du type de douleur. La neurostimulation médullaire se pratique de plus en plus. C’est une stimulation électrique à visée antalgique par l’intermédiaire d’électrodes implantées au niveau de la moelle épinière qui bloquent le signal de la douleur lors de son acheminement en direction du cerveau.

Pr Nadine Attal : « Dans ces dernières recommandations internationales, nous proposons désormais une autre molécule potentiellement intéressante dans les douleurs neuropathiques : la toxine botulique de type A (BOTOX R, une neurotoxine très puissante produite par une bactérie, le Clostridium botulinum), la même utilisée contre les rides. Cette indication n’est pas acceptée en France, mais le traitement a fait la preuve d’une certaine efficacité sur les douleurs neuropathiques rebelles périphériques et très localisées (de type post-traumatiques ou chirurgicales). Elle doit être injectée en sous-cutané par un spécialiste, en milieu hospitalier.

En règle générale, il ne faut pas hésiter à recourir à un spécialiste de la douleur car une douleur qui devient chronique peut générer une anxiété et une dépression. La tolérance à la douleur devient alors très problématique. Les techniques psychocorporelles comme l’hypnose et la relaxation peuvent aussi apporter un bénéfice, surtout chez les personnes intolérantes aux médicaments »

Source : (1) Neuropathic Pain Special Interest Group of the IASP ; Finnerup, Attal et al Lancet Neurol 2015.
*tricycliques comme l’amitriptyline ou les inhibiteurs mixtes de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline comme la duloxétine** ; éventuellement la venlafaxine.
** en France, la duloxétine a une AMM dans les douleurs neuropathiques (DN) liées au diabète exclusivement, alors que les études ont fait état de son efficacité dans d’autres DN.
***réservées aux douleurs neuropathiques du zona.

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