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Décret sur les « catégories objectives » : le sort des « assimilés cadres » à réinventer

Le billet réglementaire de Frank Wismer, Avocat associé Cabinet Avanty

Nul besoin de lever les yeux au ciel, de se taper la paume de la main sur le front ou encore de hausser les épaules : évoquer le projet de décret de modification des catégories objectives « prévoyance/santé/retraite », c’est prendre le risque de soulever l’exaspération des esprits chagrins qui ne manqueront pas de se plaindre d’une « énième réforme de l’exonération URSSAF ». Et pourtant, derrière l’apparente technicité du projet, c’est un pan de l’histoire sociale française qui se clôt et, de façon très opérationnelle, un vrai sujet RH qu’il va falloir, pour un grand nombre d’entreprises, savoir traiter.

Maître Frank Wismer Avocat associé, AVANTY Avocats
Publié le 07/06/21
Temps de lecture 3 min

Plantons le décor

Une entreprise peut appliquer des régimes de prévoyance et santé différemment entre ses salariés en bénéficiant de l’exonération « URSSAF » si elle justifie, entre autres, de catégories objectives définies par un décret paru en 2012. Il énumère cinq types de catégories, dont deux se fondent sur la convention AGIRC de 1947 et l’accord ARRCO de 1961. Références obsolètes depuis le 1er janvier 2019, date d’effet de la fusion des deux régimes de retraite complémentaire obligatoire. La Direction de la Sécurité sociale avait laissé un peu de répit aux employeurs (et peut-être, qui sait, à elle-même), en considérant que l’emploi de ces critères restait valable dans l’attente d’un décret à paraitre. Or, celui-ci se profile à l’horizon, sa parution ne devant plus tarder à se fier aux projets circulant ici et là.

Retour vers le futur

Comme souvent, pour comprendre l’avenir il faut s’intéresser au passé. Les partenaires sociaux de l’après-guerre, en créant le régime AGIRC de retraite complémentaire obligatoire pour les salariés cadres, avaient pris soin de rendre le dispositif également obligatoire pour certains non-cadres surnommés les « 4 bis » par référence à l’article de la convention AGIRC de 1947 les régissant, et avaient ouvert la possibilité de faire affilier d’autres non-cadres sur décision collective de l’entreprise, les « articles 36 » (de l’annexe 1 de cette même convention collective).

Au fil des décennies, c’est l’ensemble de la protection sociale, en ce compris les régimes de prévoyance et de complémentaire santé, qui a intégré ces catégories, souvent en les joignant, générant le groupe des « cadres et assimilés ». Une telle pratique constituait une première marche différenciante en vue de l’accession des non-cadres au statut de cadre. On ne compte plus les régimes de branche ou d’entreprise qui se sont calés sur cette distinction « 4, 4 bis, 36 vs autres salariés ». Mais quel sens lui donner depuis la fusion des régimes AGIRC et ARRCO, hormis le périmètre des bénéficiaires de l’obligation de prévoyance minimale dite du « 1,50 tranche A » applicable aux salariés cadres et aux non-cadres de type « 4 bis » maintenu par un ANI spécifique de 2017 ?

Sens de la réforme

Le décret (en l’état du dernier projet dont quatre versions ont déjà été diffusées à l’heure d’écrire ces lignes), prévoit de limiter la première catégorie objective au distinguo « cadre/non -cadre » ou « cadre et ex 4bis / autres salariés non-cadres ». La référence aux non-cadres 4 bis n’existant plus, il faudra faire référence à l’équivalent de classification déterminée par les conventions collectives de branche, via des accords agréés par une commission paritaire constituée au sein de l’APEC. Il en résulte qu’à terme, l’accès des salariés anciennement « 4bis » mais également « 36 » au régime des cadres supposera une initiative de la négociation de branche validée par l’APEC. A défaut, un « déclassement » de ces salariés devra être organisé.

Ce sera alors la fin de l’emploi de la prévoyance/santé comme tremplin symbolique vers le statut de cadre, devenant une relique d’un passé révolu, qu’on rangera aux côtés de la « Nationale 7 », de l’« ORTF » ou du « Manège enchanté ».

Ce qu’il faut anticiper

Reste à savoir si les branches professionnelles entendront s’emparer du sujet pour conserver les périmètres actuels. Cette prise de conscience et la négociation qu’elle implique ne pouvant s’opérer du jour au lendemain, le projet de décret prévoit une période transitoire pour les régimes préexistant courant jusqu’au 31 décembre 2025. Le temps pour les négociateurs de branche de prendre la mesure du sort et de la définition dans leur secteur d’activité des « assimilés cadre ». Le temps également pour les entreprises concernées d’anticiper ces évolutions et d’apprécier quelle place et quelle valorisation en termes de politique « C&B » elles entendent mener pour leurs « assimilés cadre », à admettre que cette expression ait encore un sens à l’avenir.

Ce qu’il faut retenir

Un prochain décret réformera les « catégories objectives » conditionnant l’exonération « URSSAF » du financement patronal de régimes prévoyance et de complémentaire santé. Il aura un effet sur l’inclusion dans le régime des cadres des « assimilés cadres ». Une période transitoire permettra aux entreprises de se mettre en conformité ainsi qu’aux branches professionnelles de déterminer, sous le contrôle de l’APEC, quels « non-cadres » pourront bénéficier à l’avenir de cette assimilation.

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