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La BPCO, portrait d’une tueuse silencieuse

Publié le 06/11/17

La BPCO c’est 3,5 millions de personnes atteintes en France, dont 100 000 d'une forme sévère. Mais alors que la journée mondiale BPCO le 16 novembre braque les projecteurs sur cette maladie respiratoire grave, peu de personnes savent ce que ce sigle recouvre. La "broncho-pneumopathie chronique obstructive" sera pourtant la 3ème cause de mortalité dans le monde en 2030 selon l’OMS, derrière le cancer et les maladies cardiovasculaires. Elle est évitable dans la grande majorité des cas. Par Hélène Joubert, journaliste scientifique.

 

La BPCO touche 8 à 10% des plus de 40 ans en France

BPCO, un sigle fort compliqué pour une maladie facile à comprendre : sous l’effet du tabagisme chronique dans 80% des cas, et de substances toxiques lors d’une exposition professionnelle (poussières minérales, toxiques utilisés dans l’industrie du textile et du papier, fonderie, matières plastiques, verre) mais aussi la pollution atmosphérique intérieure (les carburants de biomasse utilisés pour la cuisine et le chauffage) ainsi qu'extérieure, les bronches puis les alvéoles pulmonaires subissent des dégâts irréversibles. La capacité respiratoire s’en trouve diminuée, d’où un risque d’insuffisance respiratoire grave et de décès.

Dans le détail, le tabac stimule la production de mucus dans les petites ramifications des bronches (bronchioles), favorisant les infections bronchiques qui, à leur tour, entraînent la synthèse de mucus ; ce cercle vicieux entretient une inflammation chronique de l’ensemble des bronches et des bronchioles.
En réalité, nous devrions parler « des BPCO » et non pas de la BPCO, du fait de la grande variété de formes. Une prédisposition génétique existe même si, en pratique, une seule prédisposition génétique peut être dépistée aujourd’hui (déficit en déficit en alpha-1 antitrypsine). Il y en a probablement d’autres, qui font l’objet de recherches.

Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’Association BPCO : « Cette maladie est une tueuse silencieuse. Pourtant, les chiffres sont là : les deux tiers des 3,5 millions de malades en France ne sont pas diagnostiqués. Les pouvoirs publics n’ont pas d’autre choix que de s’attaquer au problème : la BPCO a à son actif 17 500 morts par an en France, soit 5,5 fois plus que les accidents de la route. Elle génère un coût de santé de 3,5 milliards d’euros dont la moitié est due aux hospitalisations ».

Les pneumologues sonnent l’alerte et un colloque a lieu au Sénat chaque mois de novembre (www.bpco-asso.com).
 

La BPCO débute avant la naissance

L’idée toute récente, au vu des découvertes scientifiques, est de considérer que la BPCO est une maladie qui débute très tôt. Certains chercheurs parlent de « traumatisme bronchique in utero » à cause d’un tabagisme passif. Mais il a aussi été mis en évidence que certains individus vont déjà souffrir dès la naissance d’un ralentissement de la croissance pulmonaire. Parmi eux, certains accuseront un déclin accéléré de la fonction ventilatoire, d’autres un déclin plus progressif. Ces deux profils deviendront plus tard des malades BPCO si, en plus, ils sont exposés à un tabagisme actif ou à des aéro-contaminants sur le plan professionnel. D’où une prévention primaire vis-à-vis de l’environnement chez les sujets depuis les premières années de vie voire in-utero.

Pr Chantal Raherison-Semjen, service des maladies respiratoires au CHU de Bordeaux : « On sait aussi depuis ces dernières années que des facteurs de la petite enfance ont un poids aussi important que le tabagisme actif dans la survenue de la BPCO à l’âge adulte. Il s’agit d’antécédents personnels d’asthme, une prédisposition familiale, une infection respiratoire basse sévère avant l’âge de 5 ans et l’exposition au tabagisme passif ».
 

La BPCO n’est plus réservée au sujet âgé

La BPCO est en quelques sortes un vieillissement prématuré des bronches. Mais il n’est pas besoin d’atteindre un âge avancé pour qu’elle se manifeste. L’image stéréotypée de l’homme quinquagénaire essoufflé et toussant ne reflète plus vraiment la réalité : les femmes et les jeunes aussi sont concernés.
Non seulement la BPCO ne cesse de toucher de plus en plus de personnes, mais les femmes sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus jeunes. La bonne nouvelle est que le bénéfice à l’arrêt du tabac est net, surtout si la décision est prise avant l’âge de 40 ans ; le risque de BPCO devenant alors pratiquement nul.

Pr Raherison-Semjen : « En Europe entre 1994 et 2010, la mortalité liée à la BPCO a diminué chez les hommes, lié à modification des habitudes tabagiques (5). En revanche, la stabilité de la mortalité liée à la BPCO chez les femmes est plutôt inquiétante. Il a de plus été montré en France que l’augmentation des hospitalisations pour exacerbations (périodes d’aggravation symptomatique avec toux et crachats plus importants et essoufflement accentué) est encore plus forte chez les femmes, comparé aux hommes : +5,4% par an contre 2,4%/ans (entre 1998 et 2012 chez les 25 ans ou plus) ».
 

Vous êtes fatigué, vous toussez ? Pensez à la BPCO

Toux et crachats, surtout le matin, font penser à une bronchite chronique. Là s’arrête d’ailleurs trop souvent le diagnostic du médecin, et l’on passe à côté d’une réelle BPCO. En parallèle, un essoufflement à l’effort (dyspnée) va se faire sentir, de plus en plus handicapant au quotidien. Les malades souffrant de BPCO sont également victimes en moyenne deux fois par an d'exacerbations de la maladie.

Les symptômes se font plus discrets et trompeurs chez les femmes. Une forte proportion d’entre-elles ayant une BPCO est asymptomatique. Et lorsque la BPCO se manifeste, tableau clinique diffère des signes classiques avec moins d’expectoration, plus de toux nocturne, de dyspnée et de fatigue. Ces femmes BPCO ne pensent pas à consulter car elles se disent uniquement « fatiguées » et non pas « essoufflées ». La fatigue est mise sur le compte d’une anémie, d’une anxiété ou d’une dépression, sans penser à une pathologie respiratoire. Et la jeunesse des femmes qui développent une BPCO ne facilite pas le diagnostic. Il est en effet devenu courant de découvrir des BPCO chez des femmes entre 35 et 40 ans et souvent bien avant 60 ans.

Christiane Pochulu, 62 ans, patiente BPCO sous oxygène à l'effort : « A l’âge de 50 ans et 56 ans, j’ai consulté en vain deux médecins traitants pour essoufflement. On m’a avancé l’âge, l'angoisse... mais jamais la BPCO, bien que ma tabagie et mes tentatives de sevrage soient connues. J’ai été diagnostiquée BPCO à un stade sévère, au cours d'une hospitalisation démarrée aux Urgences. Un grand classique pour cette pathologie ».
 

Servage tabagique, bronchodilatateurs et réhabilitation respiratoire

La prise en charge est une approche composite avec, en premier lieu, le sevrage tabagique ; l’association consultation de tabacologie et traitement de substitution nicotinique permettant 35% d’arrêt à un an.
Quant à la réhabilitation respiratoire, majeure, sa place est encore insuffisante et trop souvent réservée aux BPCO sévères.
Pour ce qui est des médicaments, leur prescription repose sur les symptômes (Société de Pneumologie de Langue Française 2016) : traitements dilatateurs des bronches à la demande ou sur le long terme, voire corticoïdes.
Lorsque la capacité respiratoire de la personne est très entamée, il faut avoir recours à une oxygénothérapie, ponctuellement ou en permanence.

Pour en savoir plus :
-Association BPCO : http://www.bpco-asso.com/
-Fédération française des associations et amicales de malades insuffisants ou handicapés respiratoires (FFAAIR) : www.ffaair.org

Hélène Joubert, en direct du congrès des JPRS 2017 (Bordeaux, 5-7 octobre) et d’après des interviews du Pr Chantal Raherison-Semjen, service des maladies respiratoires au CHU de Bordeaux et INSERM U1219, du Dr Frédéric Le Guillou, pneumologue et président de l’Association BPCO et de Christiane Pochulu, patiente BPCO.

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