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A Lille, la Maison du don fait circuler la vie

À Lille, la plus grande Maison du don en France se bat au quotidien pour maintenir les réserves de sang, de plaquettes et de plasma. Derrière chaque don, ce sont des vies sauvées, des traitements rendus possibles, et une chaîne de solidarité qui se tisse. Pourtant, les donneurs restent trop peu nombreux. Reportage dans les coulisses d’un lieu où la générosité humaine devient un acte de santé publique.

Doctopress
Publié le 31/10/25
Temps de lecture 4 min

À deux pas de la gare Lille-Flandres, la Maison du don de l’Établissement français du sang (EFS) est un havre de calme et de lumière. Ici, on donne son sang, son plasma ou ses plaquettes. Du lundi au samedi, infirmières, médecins et donneurs se croisent dans une ambiance chaleureuse. Wi-Fi, fauteuils inclinables, livres, magazines, tablettes… Tout est pensé pour rendre l’expérience agréable. 

Chaque jour, l’EFS doit collecter 10 000 dons de sang pour répondre aux besoins des patients. Hémorragies lors d’accidents, interventions chirurgicales, accouchements compliqués, traitements contre le cancer, maladies du sang… : les usages sont multiples et permanents. 

Contrairement à certains médicaments, les produits sanguins ne peuvent pas être fabriqués en laboratoire. Et surtout, ils ont une durée de vie limitée : quarante-deux jours pour les globules rouges, seulement sept pour les plaquettes. C’est pourquoi les collectes doivent être régulières, sans interruption, même pendant les périodes de vacances où la fréquentation baisse. 

À Lille, la Maison du don est l’un des piliers de cette chaîne du soin. Elle a beau être la plus grande de France, même ici, la mobilisation reste fragile. « Nous recevons en moyenne 150 à 200 donneurs par jour, mais actuellement nous avons plus de difficultés, c’est l’été, les gens pensent à autre chose, explique Annick Rémy, la responsable de site. Malheureusement, la maladie ne prend pas de vacances. Du 1er janvier au 31 décembre, les besoins sont constants. »

 

Un homme donne son sang pendant que ses enfants jouent à la Maison du don de Lille

Ce jour-là, Christopher est venu avec ses deux fils pour les sensibiliser au don, « un geste simple qui sauve des vies. »

Un acte citoyen

Christopher, 40 ans, en est bien conscient. Ce Lillois est un habitué des lieux. « Je suis à 140, 150 dons, je ne compte plus vraiment. Je donne du sang, du plasma, un peu des deux selon les moments. » 

Ce jour-là, il est venu avec ses deux jeunes fils. « Ils ont 5 et 7 ans. Je les emmène pour qu’ils trouvent ça normal, naturel. Je veux qu’ils comprennent que sauver des vies, c’est un geste simple. » Son engagement remonte à ses 18 ans, après avoir croisé une caravane de l’EFS sur un campus. Depuis, il n’a jamais cessé de donner et espère bien en faire une tradition familiale.

Une volonté de transmission que partage Maryline, 62 ans, venue pour un don de plaquettes. Retraitée, elle a grandi avec cette culture du don et l’a, à son tour, transmise à ses enfants. « Je donne depuis mes 25 ans. Mes parents donnaient aussi. Je les accompagnais dans le camion qui passait dans notre village. Ils ont été médaillés. C’était une fierté familiale. » 

Les épreuves de la vie n’ont fait que renforcer son engagement : « Des cas de leucémie dans ma famille m’ont montré à quel point chaque don peut compter. » Aujourd’hui, elle s’étonne que le don ne soit pas plus répandu. « Ce devrait être un réflexe citoyen ! »

Et pourtant… Seuls 4 % des Français en capacité de donner passent à l’acte, alors que 98 % estiment que c’est un geste important et solidaire. Le fossé est vertigineux. Peur de l’aiguille, méconnaissance, idées reçues, manque de temps, procrastination, sentiment de ne pas être concerné… Les freins sont nombreux. « Quand on est malade à l’hôpital, on trouve ça naturel de pouvoir recevoir une transfusion. Mais pour cela, il faut bien qu’il y ait des gens qui donnent ! », souligne Maryline.

 

Une femme fait un don de plaquettes à la Maison du don de Lille

Donneuse depuis qu'elle à 25 ans, Maryline estime que le don "devrait être un réflexe citoyen". 

Un geste qui sauve

En France, près d’un million de patients bénéficient d’un don chaque année. Taylor, 33 ans, souffre de drépanocytose, une maladie génétique qui déforme les globules rouges et provoque anémie chronique, douleurs et infections. « Un des meilleurs moyens d'y remédier, c'est de “changer” une partie de mon sang, en me transfusant. » Plus de 300 transfusions à ce jour lui ont permis « de vivre plus ou moins normalement, de voyager, de réaliser [ses] rêves et [ses] passions », témoigne-t-il sur le site de l’EFS.

Christian est, lui aussi, tributaire de la générosité des donneurs. Atteint d’une myélodysplasie, une maladie de la moelle osseuse qui perturbe la production normale des cellules sanguines, il doit recevoir une transfusion tous les quinze jours pour pallier le manque de globules rouges

Lorsqu’il évoque les anonymes qui franchissent la porte d’un centre de don, son émotion est palpable. « Vous imaginez ces personnes ? Elles arrivent, remplissent un formulaire, s’installent, tendent le bras... et ce qu’on leur prélève, c’est ce qui me maintient en vie ! S’il n’y avait pas ces donneurs, je ne serais tout simplement plus là aujourd’hui. »

 

Une jeune étudiante se fait prélever du plasma à la Maison du don de Lille

Étudiante, Darlène donne son sang deux à trois fois par an. Mais c’est la première fois qu’elle fait un don de plasma, l’un des plus recherchés.

Des dons aux usages différents

Bien que le don de sang soit le plus connu, il n’est pas le seul. Le don de plaquettes, ces cellules qui arrêtent les hémorragies, est crucial pour les patients atteints de maladies du sang qui subissent des traitements lourds comme une chimiothérapie ou une radiothérapie. « C’est plus long, une heure trente de don pour deux heures sur place, mais il est vital. Il permet de recueillir six fois plus de plaquettes que lors d’un don de sang total », souligne Annick Rémy. 

Quant au don de plasma, il reste encore trop peu médiatisé. D’une durée de quarante-cinq à soixante minutes, il est indispensable à la fabrication de médicaments comme l’albumine, les facteurs de coagulation ou les immunoglobulines, utilisés pour traiter les grands brûlés, les immunodéprimés ou les hémophiles. Cette fois, seul le plasma du donneur est prélevé, tandis que les autres composants du sang lui sont restitués.

Or si la France est autosuffisante pour les globules rouges et les plaquettes, ce n’est pas le cas pour le plasma. Elle doit en importer près de 65 % de l’étranger, notamment des États-Unis, par manque de donneurs

Une situation qui interroge, car les modèles divergent. Alors qu’en France, le don repose sur quatre piliers – anonymat, volontariat, gratuité et bénévolat –, aux États-Unis, le plasma est rémunéré jusqu’à 100 dollars par don, et les centres de prélèvement sont souvent implantés près des quartiers défavorisés ou des campus. « Cette marchandisation du corps humain n’est pas éthique et en contradiction avec notre modèle fondé sur la solidarité », déplore la responsable de la Maison du don.

Devenez bénévole !

Vous ne pouvez pas donner votre sang ? Donnez de votre temps ! L’Union des associations de donneurs de sang de La Poste et d’Orange a besoin de bénévoles. Vous êtes intéressé ? Envoyez un mail avec vos coordonnées à contact@dondusanglpo.fr ou téléphonez au 01 48 42 10 09.
 

Les entreprises en renfort

Darlène, 24 ans, est venue pour la première fois se faire prélever du plasma. Étudiante en fin de formation d’assistante sociale, elle donne son sang deux à trois fois par an. 

« Avant, je n’étais pas assez lourde pour le don de plasma, il faut peser au moins 55 kilos. Mais là, on m’a dit qu’il y avait des besoins importants, que chaque goutte comptait. J’ai vu avec le médecin qui m’a dit que c’était bon, et je me suis lancée. Ça fait un peu super-héros de dire ça, mais on sauve des gens. Franchement, c’est valorisant. C’est un moyen de se sentir utile. »

La jeune femme n’hésite pas à parler du don autour d’elle, tente de convaincre ses proches. « Certains d’entre eux sont un peu effrayés par le sang, j’essaye de les rassurer car j’ai toujours eu de bonnes expériences. Là, j’ai même prévenu mes amis que je donnais mon plasma pour la première fois car cela me rend fière. »

Pour répondre aux besoins croissants, notamment en plasma, l’EFS compte sur les jeunes. Mais aussi sur l’engagement des entreprises dont certaines, telles qu’Orange et La Poste, permettent à leurs salariés de donner sur leur temps de travail. Au point que l’Union nationale des associations de donneurs de sang bénévoles de La Poste et d’Orange constitue aujourd’hui le plus important groupement de donneurs en milieu professionnel. 

Ces initiatives n’en restent pas moins volontaires et limitées à quelques employeurs. Une proposition de loi transpartisane, portée par le député Pierre Cordier, vise désormais à généraliser ce droit à l’ensemble des salariés et des agents publics. Une avancée qui permettrait de lever un frein important et de renforcer la mobilisation en faveur du don de sang.

Pour en savoir plus : Établissement français du sang  

 

Don du sang : quand la solidarité coule dans les veines

Découvrez notre reportage

Don de sang 

• Avoir entre 18 et 70 ans.

• Peser plus de 50 kg.

• Jusqu’à 4 fois par an pour les femmes et 6 fois par an pour les hommes.

Don de plaquettes

• Avoir entre 18 et 65 ans.

• Peser plus de 55 kg lors du premier don.

• Jusqu’à 12 fois par an.

Don de plasma

• Avoir entre 18 et 65 ans.

• Peser plus de 55 kg lors du premier don.

• Jusqu’à 24 fois par an.

 

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